Faits & Arguments

INTRODUCTION

Faits & Arguments n°1 - Novembre 1982
Ce que nous voulons Nous voulons une société de liberté, où le pluralisme soit une garantie de l’épanouissement des personnes, quelles que soient leurs opinions. Nous voulons une économie moderne et compétitive, dotée d’entreprises prospères et capables d’assurer l’emploi et le progrès social, dans la concertation et le dialogue. Nous voulons une société de progrès, fondée sur la responsabilité et l’émulation des citoyens, où chacun obtienne la juste rémunération de son activité et puisse compter sur la solidarité nationale. Nous voulons une France solide, trouvant dans l’efficacité de ses institutions, l’indépendance de sa défense et de sa politique étrangère, les moyens d’exercer son influence au service de la construction de l’union européenne, du développement de la coopération et de la paix dans le monde. A la veille du référendum d’avril 1969, dans la dernière allocution qu’il adressa aux Français, le Général de Gaulle leur traçait la voie à suivre dans des termes que je n’ai jamais oubliés : « Faire en sorte, quoi qu’il arrive, que le progrès soit développé, l’ordre assuré, la monnaie défendue, l’indépendance maintenue, la paix sauvegardée, la France respectée ». Telle sera notre inspiration.
F&A n° 1 nouvelle série - janvier 1989
Principes Je me tiens toujours là où sont les principes qui ont toujours inspiré ma pensée et mon action : attachement au pluralisme social et politique, et à l’impartialité de l’Etat ; ferme conviction que l’économie de marché, l’activité d’entreprise et la concurrence sont les meilleurs instruments du progrès économique ; prédominance accordée à l’initiative et à la responsabilité de la personne humaine ; recherche constante de l’équité sur le plan social ; aspiration profonde à ce qu’une France solide et forte joue pleinement son rôle dans la construction de l’Europe et dans la coopération internationale.
F&A n° 35 nouvelle série - novembre 1996
Courage et impopularité Dès lors qu’un gouvernement s’attaque avec courage aux déficiences de notre économie et rappelle les Français à l’observation de certaines disciplines, l’impopularité est de règle. On l’a vu pour tous les gouvernements, de quelque tendance politique qu’ils soient. De beaux esprits peuvent alléguer avec ironie qu’il ne suffit pas d’être impopulaire pour avoir raison. Mais l’expérience montre que la popularité est souvent acquise au prix de l’immobilisme ou du renoncement et qu’elle est alors rarement durable. L’art de la politique, ce n’est pas de faire des choses populaires, mais de servir les intérêts du pays, souvent à contre-courant de l’opinion. « Comment n’aurais-je pas appris, a écrit le Général de Gaulle, que ce qui est salutaire à la nation ne va pas sans blâme dans l’opinion, ni sans pertes dans l’élection ! »

INSTITUTIONS

F&A n ° 53 - Février 1988
Le président de la République Ayant nommé le Premier ministre et, sur sa proposition, le Gouvernement, le Président respecte leur liberté d’action, leur style, leur figure propre. Lui-même, n’étant pas mobilisé à tout moment par la gestion des affaires, se tient en permanence à l’écoute du pays. Son rôle à lui est de gérer la durée et de veiller à l’essentiel : d’une part, le bon fonctionnement des institutions et la qualité de leur communication avec la société ; d’autre part, le respect d’un petit nombre d’objectifs fondamentaux, sur lesquels il a été élu et dont il répond devant la nation. Dans les épreuves, si besoin est, il appuie et soutient le Premier ministre. Et, parce qu’entre les deux hommes la confiance est suffisamment forte, le Président peut, si cela devient nécessaire, lui demander de se retirer. (..) La relation du Président avec le Premier ministre doit être de coopération, et non de rivalité. J’ai la conviction que la grande majorité de nos concitoyens partage une telle conception. Ils ne veulent pas d’un Président impuissant, sinon à quoi bon l’élire ? Et pas davantage ils ne sont favorables au concept surréaliste d’un Président bi-face, alternativement omnipotent et impotent, et qui, selon qu’il est vainqueur ou désavoué, passe en un instant de l’arrogance à l’humilité, comme un personnage de Dostoïevski. Je ne suis pas, non plus, favorable au raccourcissement du mandat présidentiel. Ramener ce mandat à cinq ans, la durée d’une législature, c’est pour ainsi dire contraindre le Président à prendre en main lui-même, directement, toute la conduite des affaires. Et c’est faire inévitablement dériver nos institutions vers le régime présidentiel. C’est soumettre rapidement le Président, au cours de son mandat, à l’épée de Damoclès que constitue la prochaine élection présidentielle ! Un Président garant, et non pas gérant, c’est la base du fonctionnement de nos institutions
F&A n°42 - Janvier 1987
Constitution- Art 49 al. 3 J’ai eu recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Je l’ai utilisé pour faire adopter, en cinq ans, quatre projets de loi : le projet de loi de finances rectificative d’octobre 1976 contenant les mesures économiques et financières qu’il convenait d’appliquer rapidement, quand je suis devenu Premier ministre ; le projet de loi concernant l’élection de l’Assemblée européenne au suffrage universel en 1977 ; le projet de budget de 1979 ; un projet de loi relatif à la réforme de la Sécurité sociale à l’automne 1979. Je l’ai fait, dans ces quatre cas, parce qu’un parti de la majorité, le RPR, refusait de les voter. Je n’ai jamais utilisé l’article 49 alinéa 3 pour escamoter un débat, ni pour museler l’opposition. J’ai toujours engagé la responsabilité du Gouvernement après discussion du texte et en retenant des amendements des commissions compétentes ou des membres de l’Assemblée.
F&A n°12 nouvelle série décembre 1990
Cohabitation, recomposition Une recomposition ne peut venir à mon avis que d’une élection présidentielle. Les élections législatives se font à partir des partis et les résultats concernent les partis. Or, ceux-ci tendent à se rigidifier plutôt qu’à se renouveler. Je ne crois pas en tout cas que la cohabitation puisse être une chance de recomposition, du moins la cohabitation telle que je l’ai critiquée et combattue. La cohabitation se définit à mes yeux par la présence à la tête de l’Etat d’un Président de la République et d’un Premier ministre qui affichent ouvertement leur attachement respectif à des politiques opposées. Alors le Premier ministre, s’appuyant sur l’Assemblée nationale, entend se comporter comme un Président de la République bis. Alors le Président de la République, détenant les pouvoirs que lui donne la Constitution, se trouve contraint de défendre ses prérogatives et de marquer sa différence avec le Premier ministre. C’est la dyarchie au sommet de l’Etat et c’est mauvais. Au lendemain d’une élection législative, le Président de la République nomme un Gouvernement qui, selon l’expression du Général de Gaulle, « procède de lui ». A l’Assemblée nationale, si elle le désire, de censurer le Gouvernement. Le Président de la République peut, si l’Assemblée ne permet pas le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, user du droit de dissolution. Il fait alors le peuple français juge de son différend avec l’Assemblée. Au peuple de dire s’il préfère ou non le Président à la majorité de l’Assemblée. Au Président de la République d’en tirer les conséquences ! Je crois qu’il vaut mieux s’en tenir aux mécanismes de la Constitution plutôt que de chercher des combinaisons qui manquent de clarté et finissent dans l’échec et l’impuissance.
F&A n° 18 nouvelle série - Avril 1992
Cumul des mandats N’est-il pas souhaitable d’instaurer en France, comme dans d’autres pays, une incompatibilité totale entre la fonction de Président d’un exécutif régional ou départemental et celles de Maire d’une ville, de député ou de sénateur, de ministre ? L’unicité de fonction s’impose dans le monde complexe où nous vivons. La vie politique française s’en trouverait, en outre, plus ouverte. A tous les niveaux, il y a beaucoup à faire pour que la France épouse le XXIe siècle
F&A n° 37 nouvelle série - janvier 1999
Institutions mandat présidentiel Je confirme qu’il ne me semble pas nécessaire de faire coïncider les élections présidentielle et législative. L’évolution récente des partis politiques français, quels qu’ils soient, ne m’encourage pas à leur faire confiance pour gérer en prise directe les affaires du pays et élire au même moment le président de la République et le Parlement. Le septennat présidentiel me paraît, quitte à m’entendre qualifier, une fois de plus, de passéiste conservateur, la meilleure solution. Je pense toutefois qu’il ne devrait pas être renouvelable et que ceci devrait faire l’objet d’une disposition constitutionnelle spécifique. Les institutions ne doivent pas devenir un instrument tactique. Notre constitution est, ces temps-ci, souvent révisée : rien n’est plus normal. L’inscription de notre avenir dans un cadre européen entraîne inévitablement des ajustements importants. De plus, une constitution est vivante et des mises à jour s’imposent épisodiquement. Cependant, les règles que la nation s’est données ne peuvent être modifiées au gré des vicissitudes politiques. Elles sont garantes de la continuité et de la stabilité de notre corps social et politique. On ne peut y toucher sans extrême danger. Respectons la constitution de la Ve République dans sa lettre et surtout dans son esprit.

VIE PUBLIQUE

F&A n° 13 nouvelle série - janvier février 1991

Medias La société médiatisée contribue à l’isolement de l’individu retranché derrière son petit écran ou son poste de radio en même temps qu’elle lui donne le sentiment de participer à tout ce qui se passe dans le monde. Le déferlement continu des mots et des images abasourdit le citoyen plus qu’il ne l’incite à un effort de compréhension. Le commentaire doit se faire aussi simplificateur que rapide ; il privilégie l’anecdote, l’indiscrétion, au besoin le ragot. Le choix des sujets, l’ordre de leur présentation, l’usage de la répétition de telle nouvelle ou de telle déclaration, assurent la mise en condition de l’auditeur. L’hyper abondance médiatique a pour corollaire un simplisme intellectuel et un appauvrissement culturel qui vont à l’encontre de tout intérêt réfléchi et durable pour la politique (..)

F&A n° 35 nouvelle série – novembre 1996
Medias Les médias – les rares exceptions confirmant la règle – ne respectent plus rien, n’ont plus la moindre retenue, ne se soucient plus de la dignité des hommes ni bien entendu de l’image qu’ils donnent de la France à l’étranger, et tout cela au nom de la liberté de l’information. Tout est bon pour créer le soupçon et l’alimenter, pour étaler les affaires, pour détruire, en un mot pour déstabiliser. La classe politique semble prioritairement inspirée par les perspectives de carrière ministérielle et par la réélection aux législatives : là encore, l’exception confirme la règle. Triste spectacle ! Et quelle aubaine pour les extrémistes ! Dans tout cela, où sont les problèmes de la France et ceux des Français aux prises avec les changements profonds et rapides du monde ? Les premiers sont occultés, les seconds sont exploités par les surenchères électorales ou politiciennes !
F&A n° 11 nouvelle série - mai-juin 1990
Politique, désenchantement et extrêmes Quand ils paraissent se désintéresser de la politique et quand ils déversent leur irritation sur les hommes politiques, les Français ne montrent-ils pas en fin de compte leur déception de ne pas avoir une politique claire et vigoureuse du Gouvernement à approuver ou à combattre, une politique qui ne puisse être un objet d’indifférence ? Une politique, c’est-à-dire des objectifs et des moyens, des explications et des actes ! Les Français ont toujours eu besoin de sentir qu’ils étaient gouvernés, quelles que puissent être par ailleurs les irritations et les revendications en tous sens ! C’est en tout cas la seule façon d’éviter le recours aux extrêmes qui est peut-être le plus grand risque de la situation actuelle.

RIGUEUR, CONFIANCE

F&A - n° 25 avril 1985
Ce qu’attendent les Français Les Français refusent à la fois l’indifférence et l’extrémisme ; ils portent un intérêt croissant aux grands problèmes de la nation et du monde. Ils ne rejettent pas, loin de là, la politique au sens profond de ce terme, mais ils sont de moins en moins sensibles aux intrigues politiciennes et à la logique de parti ; tirant la leçon de l’expérience qu’ils vivent, ils ne souhaitent pas que demain un parti dominant nouveau succède à l’actuel, qu’une coalition de partis nouvelle succède à l’actuelle, que le changement ne se produise qu’au niveau des appareils politiques. Les Français veulent des choses simples, mais fortes : être gouvernés selon les principes de la Ve République, c’est-à-dire dans la clarté et dans le respect de l’intérêt national ; pouvoir entreprendre et travailler sans entraves ni contrôles abusifs ; échapper aux effets démotivants d’une fiscalité complexe et excessive ; faire donner à leurs enfants une éducation et une formation qui leur permettent d’affronter l’avenir dans de bonnes conditions ; contribuer efficacement à la grande œuvre de la construction européenne et à l’aide indispensable au développement. En bref, ils veulent le progrès pour eux-mêmes et leurs enfants, une ambition pour la France. Quand ils sentiront que ces aspirations peuvent être satisfaites, alors ils manifesteront autre chose qu’un frémissement : la confiance et l’ardeur qui sortiront le pays d’affaire.
F&A - n°5 Mars avril 1983
Quelle Rigueur ? Le problème n’est pas, aujourd’hui, de savoir s’il faut ou non de la rigueur, socialiste ou autre ! Le problème est de mettre un terme à la très profonde détérioration de l’économie française provoquée par la gestion socialiste. Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est, d’abord, le déficit massif du secteur public : budget de l’État ; Sécurité sociale ; entreprises nationales anciennes et nouvelles. C’est, ensuite, la situation préoccupante des entreprises privées qui ont à absorber une forte augmentation des charges sociales, qui sont soumises à un strict contrôle des prix, et qui ne peuvent disposer de crédits suffisants, puisque les banques ont à financer en priorité le déficit budgétaire et celui des entreprises nationales ; les entreprises privées ne peuvent guère investir, embaucher ni exporter. Ainsi s’expliquent, à la fois, le gonflement des importations et la stagnation des exportations. Du fait de la quasi-disparition de nos réserves de devises, le financement du déficit extérieur ne peut être assuré que par l’endettement extérieur, dont les conséquences sont préoccupantes pour l’avenir. Pour que l’économie française se redresse, pour que la France puisse, en 1984, bénéficier de la reprise aux États-Unis et, vraisemblablement, d’une reprise en Allemagne Fédérale, l’État devrait sans retard réduire les déficits, rendre aux entreprises la liberté et la responsabilité de leur gestion, mettre un terme à l’assaut de certains syndicats contre la direction et l’encadrement des entreprises, ranimer l’industrie du bâtiment et des travaux publics dont la contribution est essentielle à l’activité nationale et régionale, stabiliser durablement les charges qui pèsent sur les entreprises. Le Gouvernement socialiste peut-il le faire ? Telle est la question. En tout cas, le temps de l’idéologie est passé. Les faits pressent. Ce qu’ils imposent, c’est moins la rigueur que le bon sens.
F&A n° 30 - nouvelle série février 1995
Solidarité « Une société ouverte n’est pas une jungle. Elle repose sur le respect mutuel, la protection contre les violences, l’application de la loi pour tous. Elle implique la solidarité, mais une vraie solidarité. Pas celle qui a pour but de perpétuer la dépendance de l’individu à l’égard de l’Etat. Celle, au contraire, qui redonne à chacun les moyens de l’autonomie. La solidarité collective doit être mise en œuvre sans faiblesse ni réserve pour soutenir ceux qui temporairement ou durablement ont besoin de soutien. Cette solidarité doit être inspirée par la recherche de la justice et par le respect de la personne. Et non par le clientélisme politique ». Un Projet pour la France, mars 1988 La crise de la solidarité est aujourd’hui profonde. Elle menace le projet républicain dans son essence même. Nous ne pouvons nous en accommoder. Cessons de remettre à plus tard les réformes nécessaires ; accomplissons-les, au contraire, rapidement, dans la justice et dans l’égalité. Ainsi les Français retrouveront-ils une pleine confiance dans une société qu’il leur appartient de rendre fraternelle.

L’ETAT

F&A n°15 - Avril 1984
Autorité de l’Etat L’autorité de l’État est entamée. La confiance que pourrait placer le pays en ceux qui gouvernent a dangereusement baissé. Il n’est pas sûr que la classe politique, dans son ensemble, ne pâtisse pas elle-même d’un certain discrédit. Comment, autrement, expliquer l’écho relatif, mais non négligeable, que trouvent auprès des Français certaines personnalités nouvelles venues dans le paysage politique ? Parler de l’autorité de l’Etat, c’est aller bien au-delà des questions de sécurité ou d’ordre public. Il ne s’agit pas non plus, simplement, de déterminer ce que peuvent être les voies du redressement de la France. Le problème posé est celui de la représentation que se font les Français de la valeur de leurs institutions, de la capacité de notre démocratie à surmonter les difficultés auxquelles notre pays est confronté. La France a besoin d’un discours sérieux, qu’il vienne de l’actuel pouvoir ou de l’actuelle opposition. Celle-ci aurait tout intérêt à comprendre que la défense et l’apologie de toutes les revendications catégorielles ou corporatistes lui coûteront cher, si jamais elle revient au pouvoir. À force de promesses successives ou d’attitudes variables selon les interlocuteurs, elle écartera d’elle ceux qui commencent à comprendre aujourd’hui que l’objet de la politique n’est pas d’apaiser les prurits épisodiques des Français, ni de plaire à chacune des catégories socioprofessionnelles sans exception, mais de convaincre tous nos concitoyens de servir une ambition nationale. La clarté dans les desseins, la persévérance dans l’action : voilà ce dont la France a besoin aujourd’hui et aura besoin demain. Le vrai problème de la France est un problème politique : avoir un Gouvernement qui montre sans ambiguïté aux Français qu’il gouverne pour la France.
F&A n°55 - mars 1988
L’Etat impartial L’Etat doit restaurer son impartialité : il lui faut témoigner de son indépendance à l’égard de toutes les factions pour être pleinement, et honnêtement, le serviteur efficace et loyal de tous les citoyens. A cette fin, l’administration, les entreprises et les services publics gagneraient à être mieux protégés de la politique. Le lien entre la conjoncture électorale et le déroulement de la carrière de nombreux agents publics est devenu trop évident pour ne pas altérer la neutralité de l’administration dans son ensemble. Il faut en revenir à plus de transparence et plus de rigueur. Les promotions et nominations doivent, dans la fonction publique, dépendre exclusivement des compétences et du dévouement des intéressés. En contrepartie d’une réserve strictement observée, les responsables de l’administration et du secteur public seraient mieux prémunis contre les pressions du pouvoir du moment. Mais il ne suffit pas que l’Etat garantisse sa propre impartialité. Il lui faut aussi surveiller l’évolution des rapports de force dans la société, afin d’éviter l’apparition de concentrations excessives de pouvoirs au bénéfice d’intérêts privés, qu’il s’agisse de conglomérats économiques entravant la concurrence ou de groupes intervenant dans la communication d’opinions et d’idées. La nation ne saurait tolérer que ces nouvelles féodalités pèsent sur les citoyens en restreignant leur liberté. Aussi incombe-t-il à l’Etat de garantir l’exercice effectif du pluralisme qu’exige la vie de notre démocratie, en allant au-delà de son expression juridique et formelle. Cela signifie en pratique, par exemple, que l’on ne saurait s’en remettre à la seule loi du marché pour régir le paysage audiovisuel. Même si les compétences appropriées ne peuvent être exercées directement par l’exécutif et doivent, au contraire, être déléguées à une autorité réellement indépendante, l’Etat ne peut ignorer les responsabilités qui lui incombent en dernier ressort dans ce secteur. (..) Ma volonté de garantir l’impartialité de l’Etat me conduit aussi, tout en reconnaissant pleinement le rôle des partis politiques dans notre démocratie, à refuser toute dérive vers l’Etat-parti. Cette tendance existe manifestement. Elle est liée à l’effervescence politique qui, perpétuellement, masque l’intérêt national par la recherche de situations acquises au bénéfice de telle ou telle tendance. Cela ne peut durablement se faire sans trouble pour l’Etat. L’histoire des Républiques antérieures en illustre les conséquences, au premier rang desquelles figure la désaffection des citoyens pour la vie politique et les institutions. La Constitution actuelle, en confiant au président de la République la légitimité nécessaire pour exercer un arbitrage national par-delà les contingences politiques, le met en situation d’incarner l’Etat (..) L’Etat, pour être le garant des libertés et des droits fondamentaux, doit faire échec au démembrement de la souveraineté nationale, remonter aux sources de sa légitimité et rechercher l’impartialité. Sa vocation « d’organe de la pensée sociale », selon la formule de Durkheim, lui commande de répondre aux aspirations de la société civile dans son ensemble, par-delà les oppositions du moment.
F&A n°15 nouvelle série mai-juin 1991
L’Etat impartial L’Etat impartial ce n’est pas seulement celui qui procède à des nominations et à des choix en fonction des seuls critères de compétence et d’efficacité. C’est aussi un Etat qui sait résister aux pressions qui peuvent s’exercer sur lui de la part des corporatismes ou de la part de toutes les organisations qui dans les sociétés modernes représentent des intérêts particuliers. L’impartialité de l’Etat vaut ainsi dans le domaine de l’éducation où il faut éviter de céder autant à la pression des parents d’élèves qu’à celle des syndicats d’enseignants. Elle vaut dans les relations sociales, où il importe de prendre en considération les intérêts des salariés, des cadres ou des chefs d’entreprise, sans à aucun moment, se prêter à la satisfaction égoïste des intérêts de l’un de ces groupes. L’Etat impartial, c’est aussi celui qui permet aux citoyens d’obtenir l’exécution des décisions de justice qui sont prises à l’encontre de l’Etat ou l’Administration refusant d’exécuter des sentences ou des arrêts qu’elle n’approuve pas Enfin, l’Etat impartial est celui qui, tout en subissant les inconvénients, respecte la liberté fondamentale d’expression, respecte la liberté de la presse, celle de l’information, et n’essaye pas de manière directe ou indirecte d’influencer l’attitude des médias. A ceux-ci de montrer qu’ils savent respecter les principes qui fondent leur propre impartialité.
Le Monde – 21 janvier 1995
L’Etat impartial « Rien ne sera possible sans que les Français aient retrouvé une pleine confiance dans leurs institutions, et d’abord dans la première d’entre-elles, la justice… Le fonctionnement de la justice, et aussi son esprit, sont aujourd’hui troublés… Il faut doter l’institution judiciaire d’une véritable autonomie, en assurant au parquet une indépendance entière… Il convient donc, à cette fin, en modifiant le code de procédure pénale, de retirer au Gouvernement le droit dont il dispose actuellement de juger de l’opportunité des poursuites. Le Gouvernement, au premier chef, le Garde des Sceaux, conserverait son rôle de définition de la politique judiciaire, « civile et pénale. En revanche, l’action publique individuelle serait mise en œuvre par un parquet indépendant et par lui seul. »
Sept sur Sept – TF 1 – 22 janvier 1995
L’état impartial « S’il fallait que je gouverne, eh bien je suis sûr de trouver des hommes compétents à qui je ne demanderais par leur étiquette, auxquels je ne ferais pas appel parce qu’ils sont les petits marquis du microcosme mais qui soient des hommes compétents dans lesquels les Français puissent avoir confiance et qui assurent l’intégrité de l’Etat, l’impartialité de l’Etat au service de tous les Français. »
Projet pour la France – 17 février 1988
L’état impartial « Une société ouverte n’est pas une société sans Etat, c’est une société qui dispose d’un Etat impartial. Un Etat impartial, c’est un Etat dont les pouvoirs sont limités, des devoirs précis  ; c’est un Etat indépendant des partis, de tous les partis, de toutes les factions, afin d’être pleinement et honnêtement le serviteur efficace et loyal de tous les citoyens. Si je ne jette aucune exclusive contre les partis politiques qui correspondent à des courants de pensée profonds dans notre pays, je dis en revanche non à l’Etat-parti. Je voudrais en particulier que les procédures de nomination, de recrutement et d’avancement des fonctionnaires, soient entièrement dépolitisées, qu’il n’y puisse régner aucun arbitraire d’aucune sorte. Cet Etat, nous voulons aussi qu’il soit moderne et efficace. Pour cela, les services publics doivent être davantage au service du public, ils doivent être mieux gérés, leurs agents doivent avoir davantage de responsabilités. C’est ainsi qu’ils pourront contribuer à une économie performante. »
Sept sur Sept, TF 1 - 22 janvier 1995
L’état impartial « Je n’ai jamais eu le goût du pouvoir pour le pouvoir, je vous le disais tout à l’heure  : pour moi, le pouvoir est un SERVICE. On peut avoir le désir d’être responsable de son pays pour le conduire à une grande ambition nationale mais, je l’ai dit aussi souvent, j’ai exercé pendant cinq ans les fonctions de Premier ministre – Dieu sait s’il y en a qui désirent l’être – je peux vous dire que le pouvoir est triste. Napoléon avait raison là-dessus. Le pouvoir est triste parce qu’on aurait envie de dire « oui » tout le temps et gouverner, c’est souvent dire « non » alors qu’on aurait envie de dire « oui ». C’est cela qui est la chose la plus pénible ».

REFORME DE L’ETAT

F&A n°38 nouvelle série - mars 2002
Les voies de cette réforme sont claires : 1) Restaurer les fonctions régaliennes de l’Etat : armée – police – gendarmerie – justice – enseignement – en leur accordant les moyens nécessaires et la considération dont leurs agents ont besoin ! (..) 2) Engager une vigoureuse politique de décentralisation fondée sur l’autonomie des régions et le développement de l’interrégionalité, de l’interdépartementalité, de l’intercommunalité jusqu’à ce qu’il soit possible de réduire le nombre des niveaux, qui caractérisent l’organisation territoriale de la France, le « mille-feuilles » actuel. Cette décentralisation doit s’effectuer par une redistribution des pouvoirs et des ressources financières entre l’Etat, les régions, le département, les agglomérations. (..) 3) Restructurer sans coût social insupportable une fonction publique pléthorique et mal construite, (..). Ne pas reconduire tous les emplois devenant vacants, redéployer plus efficacement les fonctionnaires, supprimer les services inutiles ou fonctionnant par simple habitude (..) 4) Moderniser un système d’enseignement sclérosé, en le régionalisant et le décentralisant, en accordant aux Universités une réelle autonomie, en mettant en œuvre des procédures d’orientation sélective, en redonnant ses lettres de noblesse à l’enseignement professionnel..

FISCALITE : JUSTICE SOCIALE, JUSTICE FISCALE

F& A n° 7 nouvelle série - Septembre 1989
C’est servir la justice sociale que de réformer un impôt sur le revenu, auquel échappe la moitié des ménages, alors que son incidence se concentre sur ceux qui travaillent, créent et entreprennent ; c’est servir la justice fiscale que de réintégrer dans l’impôt sur le revenu une part significative des ménages exonérés, d’élargir les tranches d’imposition, et en priorité, celles qui concernent les revenus moyens, de fixer à 50 % le taux marginal d’imposition le plus élevé, de profiter de l’institution d’une cotisation généralisée à tous les revenus affectée au financement de la protection sociale pour traiter de manière conjointe le problème du poids de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales. C’est servir la justice sociale que de détaxer, dans la limite d’un plafond significatif, la part du revenu employée à une épargne à moyen et long terme, et de supprimer les multiples avantages fiscaux qui ne servent en fin de compte qu’à sauvegarder les fonds de commerce d’un certain nombre d’institutions financières.
F&A n° 12 nouvelle série - décembre 1990
LA CSG Je considère que la C.S.G. est un instrument permettant une réforme nécessaire du financement de la protection sociale en France et amorçant une refonte de notre système fiscal. Il est tout à fait normal que le financement des prestations sociales dont bénéficient tous les citoyens soit assuré par tous les Français en fonction du montant de leur revenu. Le financement ne saurait être limité aux contributions des salariés et des entreprises. Par ailleurs, l’introduction de la C.S.G. permet de remédier indirectement à l’injustice de notre impôt sur le revenu puisque plus de la moitié des foyers fiscaux français sont exonérés de cet impôt et que 10 % de ces foyers paient les trois quarts de l’impôt sur le revenu.

SOCIAL – SYNDICATS

F&A n°10 - Novembre 1983
Incertitudes sociales Il nous faut, en France, renoncer à certaines habitudes acquises en période de croissance rapide et d’inflation et restaurer, dans la détermination des rémunérations, une plus grande flexibilité, plus efficace à moyen terme qu’une défense crispée de mécanismes qui ne sont plus supportables dans la situation actuelle et future. Les salariés peuvent chaque jour observer combien leur choix s’établit, désormais, entre le rythme d’augmentation des rémunérations d’une part, le niveau de l’emploi et l’ampleur des réductions d’effectifs dans l’entreprise d’autre part. A chaque entreprise de déterminer ce qu’elle peut payer à son personnel, compte tenu des exigences à court et moyen terme de la compétitivité et de la juste rémunération de ceux qui contribuent à son fonctionnement et à son développement. Les normes contraignantes constituent un passage à la toise, qui supprime la diversité et la souplesse nécessaires aux adaptations souhaitables en matière de rémunérations ; le garde-fou finit par craquer sous l’effet de revendications généralisées qui aboutissent au rattrapage et au dérapage. Les temps de prospérité et de facilité étant révolus, nous avons aujourd’hui le choix entre une économie de contrôles étendus, reconnaissant à l’Etat un rôle prépondérant, ou une économie de liberté, dont le fonctionnement repose sur la responsabilité des employeurs et des salariés et une action régulatrice de l’Etat en matière de crédit, de budget et de monnaie. Ce choix, c’est celui qu’une société fait entre la médiocrité et la stagnation, ou l’efficacité et le progrès
F&A n° 31 Décembre 1985
Syndicats et relations sociales Le danger, pour la France, tient moins à la force des syndicats qu’à leur faiblesse, à leurs divisions, à leurs surenchères et trop souvent à leur négativisme. S’il est indispensable de maintenir la négociation collective interprofessionnelle et de branche, il est tout à fait nécessaire d’admettre que les accords passés soient soumis à une révision périodique pour tenir compte des évolutions de plus en plus rapides des techniques et de la conjoncture économique nationale et internationale. Il faut également accepter que des dérogations au droit général puissent intervenir au niveau de l’entreprise, par accord passé entre le chef d’entreprise et les représentants des salariés ou même par consultation directe de ceux-ci. Demain, par un effort vigoureux, la France peut retrouver la croissance. Mais celle-ci n’aura plus la même nature que celle des années soixante. Elle sera une croissance par la compétitivité. Elle reposera sur de nouvelles technologies et de nouvelles activités, services autant qu’industries ; elle entraînera des conditions de travail fort différentes du taylorisme qui a régi nos sociétés industrielles au cours de ce siècle finissant, exigera une technicité de plus en plus forte des individus et provoquera des modes de rémunération tenant compte davantage de l’efficacité et du mérite de l’individu que du statut dont il relève. Demain, il ne pourra plus y avoir d’un côté des salariés « abrités », propriétaires de leur emploi et assurés d’une augmentation régulière de leurs rémunérations et, de l’autre, des salariés exposés à la dure loi de la compétition. Demain, les syndicats ne pourront plus être seulement les spécialistes du « protectionnisme social », sous peine de susciter la plus vive contestation de la part de ceux qu’ils auront négligés pour défendre à tout prix les travailleurs dotés d’avantages acquis. L’avenir des relations sociales impose une vision claire des réalités nationales et internationales, un dialogue exigeant et constructif entre partenaires sociaux, un Etat incitant à de nouvelles modalités d’organisation du travail conformes aux aspirations des travailleurs ainsi qu’à la bonne marche des entreprises. Ainsi le progrès social pourra-t-il accompagner le progrès économique.
F&A n°9 - Octobre 1983
Secteur public et déficits L’économie française comporte à l’heure actuelle deux grands secteurs : un secteur public et un secteur privé. Je range dans le secteur public l’État, les entreprises nationales, la Sécurité sociale ; ce secteur connaît un déficit massif qui explique l’ampleur du déficit extérieur. Dans le secteur privé se trouvent, d’une part, les ménages qui perçoivent des revenus de leur activité, consomment et épargnent ; d’autre part, les entreprises qui produisent, offrent des emplois, exportent et investissent. Pour réduire le déficit extérieur, le Gouvernement devrait réduire le déficit du secteur public. Mais, en fait, il ampute (par la fiscalité) les revenus des ménages, ce qui réduit la consommation et l’épargne ; il accroît les charges des entreprises et contrôle étroitement leurs prix, de sorte que celles-ci ne peuvent plus accroître leur activité et investir. Il prélève de plus en plus sur le secteur privé au lieu de s’attaquer fortement au déficit du secteur public par la réduction des dépenses. Il comprime ainsi l’activité du secteur privé et décourage les ménages comme les entreprises. Il a donc toutes chances de conserver des déficits importants dans une activité globale stagnante ou déprimée. La politique choisie ne conduit pas à terme à un développement satisfaisant de l’économie française. Pour l’obtenir, il faut une autre politique : entreprendre la réduction massive des dépenses publiques et stabiliser les dépenses sociales ; alléger la fiscalité, jouer la carte de la liberté pour les ménages et les entreprises de manière à favoriser l’épargne et l’investissement. C’est ainsi que la France pourra maîtriser les problèmes de l’emploi, de l’équilibre extérieur et de l’adaptation à la concurrence internationale.

SOCIAL EMPLOI

F&A n° 50 - Novembre 1987
Traitement social du Chômage Le traitement social du chômage est, dans la situation préoccupante que connaît l’emploi, indispensable. Mais il ne peut se substituer au traitement économique du chômage, c’est-à-dire, à la création d’emplois par une économie qui bénéficie d’un taux de croissance satisfaisant, et qui trouve dans l’innovation et l’investissement les ressorts de son expansion et de sa compétitivité. C’est pourquoi la « revitalisation » de l’économie française est une exigence prioritaire. J’ai souvent mis l’accent sur cette nécessité et, en particulier, sur la stimulation des investissements. (..) La politique de l’investissement ne peut, d’ailleurs, être qu’une composante d’une politique globale pour la croissance et pour l’emploi ; celle-ci doit, en outre, comporter le développement de la formation professionnelle, l’abaissement des charges des entreprises – et en priorité la réforme de la taxe professionnelle –, la stimulation de la recherche et de l’innovation et une action vigoureuse en faveur de la création d’entreprises (..) Seule une politique globale à moyen terme définie par des objectifs clairs et par des règles du jeu stables, disposant de la crédibilité que confère la durée, pourra apporter aux acteurs de la vie économique et sociale le sentiment de renouveau et le climat de confiance qui permettront à l’économie française de revenir progressivement sur la voie d’une croissance plus élevée et d’un accroissement satisfaisant de l’emploi.
F&A N° 56 – mars 1988
Emploi – Compétitivité Quelle que soit l’utilité du traitement social du chômage (c’est moi qui, en 1977-1978, ai fait le premier « pacte national pour l’emploi des jeunes »), cette forme d’action ne suffit pas. Elle s’exerce sur les conséquences du chômage, le rend moins pénible socialement, mais elle n’agit pas sur ses causes et n’empêche pas sa progression. Or, c’est la progression du chômage que nous devons arrêter. Pour cela, il faut créer des emplois sains et durables. Le seul moyen d’y parvenir, c’est la compétitivité. La compétitivité, c’est d’abord avoir des entreprises performantes, qui innovent, qui investissent, qui s’adaptent à l’évolution de l’économie mondiale, qui vendent mieux que les autres. Retrouver la compétitivité, c’est l’affaire de toutes les entreprises : grandes, petites, artisanales, industrielles ou commerciales. Mais c’est aussi l’affaire des banquiers, des fonctionnaires, des enseignants, des agents des collectivités locales, des professions libérales. Dans cette perspective, une bonne politique pour l’emploi doit reposer sur quatre actions fondamentales : • Elle doit d’abord reposer sur la formation. Le chômage frappe trois fois plus les jeunes Français que les jeunes Allemands et, parmi les premiers, le chômage frappe avant tout ceux qui n’ont ni formation générale, ni formation professionnelle. La rénovation de notre système éducatif est donc une clé de l’amélioration de l’emploi. Cela passe évidemment par une rénovation de notre système universitaire qui doit disposer de plus de moyens et de plus d’autonomie. Mais cela passe aussi par l’institution d’une véritable cogestion, entre l’Etat et les entreprises, du système de formation technique et professionnelle. Les chefs d’entreprise, conscients du problème, sont d’ailleurs prêts à le faire. Il faut, en outre, consacrer un immense effort en faveur de la recherche et de la technologie. Le progrès scientifique, la recherche fondamentale et appliquée, le développement des technologies de pointe sont favorables à l’emploi. Il n’est plus à démontrer qu’une technopole, c’est-à-dire l’interpénétration de la recherche technologique et du monde des entreprises, peut être créatrice d’activités et d’emplois nouveaux. Depuis longtemps, les Japonais l’ont compris. Pour que la France reste dans la course de la compétitivité, recherche et technologie devront donc être de grandes priorités. Pour cela, il faudra sans doute que notre effort privé et public se porte progressivement à près de 3 % du PIB. • Le troisième axe de l’action à mener, c’est l’investissement des entreprises. Je mène, depuis 1981, un combat constant en faveur de l’investissement des entreprises parce que, depuis cette date, l’investissement en France a reculé chaque année. Ce n’est que pour les deux dernières années que l’investissement productif a repris. Mais il n’a pas repris suffisamment pour combler notre retard par rapport à nos partenaires. Or, si nous n’investissons pas, nous serons contraints d’importer pour satisfaire les hausses de la demande. Pour lutter contre cette évolution perverse, il faudra créer un système d’incitations fiscales à l’investissement. • Enfin, pour créer des emplois, il faut encourager la création d’entreprises. Nous n’avons pas assez de créateurs d’entreprises industrielles, d’entreprises artisanales, d’entreprises de services. Il faut aussi mener une politique courageuse et rigoureuse d’installation des jeunes agriculteurs. Les jeunes qui veulent créer des entreprises doivent être débarrassés des formalités considérables qu’ils ont à accomplir. Ils doivent, de plus, trouver les crédits bancaires dont ils ont besoin. Enfin, pour rémunérer leur effort, ils seront exonérés d’impôts pendant cinq ans. À cet égard, ce dont nous avons besoin pour remettre la France en état de compétitivité, c’est d’une réforme fiscale d’ensemble. Dans ce domaine, trois idées sont essentielles. Il faudra d’abord simplifier le système fiscal qui, à l’heure actuelle, ressemble à un véritable maquis. Il faudra, en outre, harmoniser nos impôts avec ceux de nos partenaires européens. Nous avons, en effet, la TVA la plus élevée d’Europe ; son taux doit être réduit. De même, il faudra réduire le taux de l’impôt sur les sociétés à 33,3 % parce que nos partenaires vont faire la même chose. Le taux maximum d’impôt sur le revenu doit enfin être ramené à 50 % pour que ceux qui travaillent, épargnent et investissent ne soient pas découragés. Cette réforme de notre fiscalité, qui durera 5 à 7 ans et à laquelle il faudra consacrer de l’ordre de 130 milliards de francs, sera favorable, non seulement à l’économie française, mais également à l’activité de tous les Français. Pour relever tous ces défis, il faut un grand rassemblement des Françaises et des Français de bonne volonté. De ce point de vue aussi, l’élection présidentielle à venir peut être un tournant décisif. Selon ses résultats, elle sera un rendez-vous manqué, ou elle marquera le commencement du renouveau.
F&A n° 27 nouvelle série Septembre 1994
Emploi chômage Quand donc comprendra-t-on en France que l’emploi est la résultante de multiples facteurs économiques conjoncturels et structurels, des politiques économiques et sociales, des mentalités et des comportements individuels ou collectifs ? Au-delà des variations conjoncturelles des chiffres du chômage et du nombre de créations d’emplois, obtenues par des mesures à court terme, la vraie solution du problème de l’emploi dépend du dynamisme de nos entreprises sur les marchés européens et mondiaux, de la nature et du rythme des investissements, d’une formation de plus en plus qualifiante des hommes, de la volonté des jeunes de trouver ou d’accepter des emplois à l’étranger. Elle passe par l’allégement des charges sociales assises sur les salaires, la suppression des rigidités qui freinent l’adaptation des offres et des demandes de travail, la modification d’un système d’allocations multiples qui provoquent une accoutumance à l’inaction et qui favorisent insidieusement une « préférence collective pour le chômage ».
F&A N° 56 – 15-31 MARS 1988
Il faut créer des emplois sains et durables. Le seul moyen d’y parvenir, c’est la compétitivité. Quelle que soit l’utilité du traitement social du chômage (c’est moi qui, en 1977-1978, ai fait le premier « pacte national pour l’emploi des jeunes »), cette forme d’action ne suffit pas. Elle s’exerce sur les conséquences du chômage, le rend moins pénible socialement, mais elle n’agit pas sur ses causes et n’empêche pas sa progression. Or, c’est la progression du chômage que nous devons arrêter. Pour cela, il faut créer des emplois sains et durables. Le seul moyen d’y parvenir, c’est la compétitivité. La compétitivité, c’est d’abord avoir des entreprises performantes, qui innovent, qui investissent, qui s’adaptent à l’évolution de l’économie mondiale, qui vendent mieux que les autres. Retrouver la compétitivité, c’est l’affaire de toutes les entreprises : grandes, petites, artisanales, industrielles ou commerciales. Mais c’est aussi l’affaire des banquiers, des fonctionnaires, des enseignants, des agents des collectivités locales, des professions libérales. Dans cette perspective, une bonne politique pour l’emploi doit reposer sur quatre actions fondamentales : • Elle doit d’abord reposer sur la formation. Le chômage frappe trois fois plus les jeunes Français que les jeunes Allemands et, parmi les premiers, le chômage frappe avant tout ceux qui n’ont ni formation générale, ni formation professionnelle. La rénovation de notre système éducatif est donc une clé de l’amélioration de l’emploi. Cela passe évidemment par une rénovation de notre système universitaire qui doit disposer de plus de moyens et de plus d’autonomie. Mais cela passe aussi par l’institution d’une véritable cogestion, entre l’Etat et les entreprises, du système de formation technique et professionnelle. Les chefs d’entreprise, conscients du problème, sont d’ailleurs prêts à le faire. • Il faut, en outre, consacrer un immense effort en faveur de la recherche et de la technologie. Le progrès scientifique, la recherche fondamentale et appliquée, le développement des technologies de pointe sont favorables à l’emploi. Il n’est plus à démontrer qu’une technopole, c’est-à-dire l’interpénétration de la recherche technologique et du monde des entreprises, peut être créatrice d’activités et d’emplois nouveaux. Depuis longtemps, les Japonais l’ont compris. Pour que la France reste dans la course de la compétitivité, recherche et technologie devront donc être de grandes priorités. Pour cela, il faudra sans doute que notre effort privé et public se porte progressivement à près de 3 % du PIB. • Le troisième axe de l’action à mener, c’est l’investissement des entreprises. Je mène, depuis 1981, un combat constant en faveur de l’investissement des entreprises parce que, depuis cette date, l’investissement en France a reculé chaque année. Ce n’est que pour les deux dernières années que l’investissement productif a repris. Mais il n’a pas repris suffisamment pour combler notre retard par rapport à nos partenaires. Or, si nous n’investissons pas, nous serons contraints d’importer pour satisfaire les hausses de la demande. Pour lutter contre cette évolution perverse, il faudra créer un système d’incitations fiscales à l’investissement. • Enfin, pour créer des emplois, il faut encourager la création d’entreprises. Nous n’avons pas assez de créateurs d’entreprises industrielles, d’entreprises artisanales, d’entreprises de services. Il faut aussi mener une politique courageuse et rigoureuse d’installation des jeunes agriculteurs. Les jeunes qui veulent créer des entreprises doivent être débarrassés des formalités considérables qu’ils ont à accomplir. Ils doivent, de plus, trouver les crédits bancaires dont ils ont besoin. Enfin, pour rémunérer leur effort, ils seront exonérés d’impôts pendant cinq ans. À cet égard, ce dont nous avons besoin pour remettre la France en état de compétitivité, c’est d’une réforme fiscale d’ensemble. Dans ce domaine, trois idées sont essentielles. Il faudra d’abord simplifier le système fiscal qui, à l’heure actuelle, ressemble à un véritable maquis. Il faudra, en outre, harmoniser nos impôts avec ceux de nos partenaires européens. Nous avons, en effet, la TVA la plus élevée d’Europe ; son taux doit être réduit. De même, il faudra réduire le taux de l’impôt sur les sociétés à 33,3 % parce que nos partenaires vont faire la même chose. Le taux maximum d’impôt sur le revenu doit enfin être ramené à 50 % pour que ceux qui travaillent, épargnent et investissent ne soient pas découragés. Cette réforme de notre fiscalité, qui durera 5 à 7 ans et à laquelle il faudra consacrer de l’ordre de 130 milliards de francs, sera favorable, non seulement à l’économie française, mais également à l’activité de tous les Français. Pour relever tous ces défis, il faut un grand rassemblement des Françaises et des Français de bonne volonté. De ce point de vue aussi, l’élection présidentielle à venir peut être un tournant décisif. Selon ses résultats, elle sera un rendez-vous manqué, ou elle marquera le commencement du renouveau.

LA COMPETITIVITE

F&A n° 18 nouvelle série - Avril 1992
• L’Etat doit donner les moyens de la compétitivité Il faut d’abord assurer la compétitivité présente et future de la nation dont tout dépend, à commencer par le niveau de vie et le bien être de la population. Voilà pourquoi un Etat doit aujourd’hui veiller à la stabilité des règles du jeu, ensuite à réduire les coûts fixes de la nation. En France, nous avons beaucoup de coûts fixes, tenant en particulier à notre organisation administrative avec quatre niveaux : la commune, le département, la région, l’Etat, en attendant d’y ajouter le niveau communautaire. Tout cela est source de coûts fixes croissants. On s’en rend compte avec la décentralisation et l’extension des responsabilités données aux unités décentralisées. Ensuite la formation des hommes qui est le capital le plus important pour un pays aujourd’hui. L’investissement, bien sûr ai-je besoin d’insister là-dessus ! Je n’ai depuis 1976, jamais cessé de dire que la France devait investir et rattraper le retard qu’elle avait dans un certain nombre de domaines, non seulement sur le plan de la quantité des capacités de production, mais aussi sur le plan de la qualité des équipements. Dernier point sur lequel je voudrais insister, c’est le rôle incitateur de l’Etat. Nous sortons d’une période où l’Etat de « bien être » dépensait et redistribuait. Or, dans la société moderne, où les hommes aspirent à assurer, par leur accomplissement personnel, le progrès collectif, les incitations prennent une importance de plus en plus grande, incitation à travailler, à entreprendre et à épargner. Ce sont là trois domaines qui relèvent, pour une bonne part, de l’action de la fiscalité et qui ne peuvent pas être négligés.

ECONOMIE

F&A n° 33 nouvelle série - mars 1996
Voyez les Etats-Unis. A partir de 1980, les Américains ont été inspirés par une double préoccupation, qu’ils ont exprimée par deux formules : « the cleaning up process », « the catching up process ». Il fallait « nettoyer », c’est-à-dire rationaliser, restructurer, accepter la destruction créatrice pour reprendre l’expression de Schumpeter. Il fallait aussi « rattraper » : à l’époque c’était rattraper le Japon, dont l’industrie automobile venait concurrencer les puissantes compagnies américaines sur leur propre marché. (..) une Amérique puissante, à la pointe des technologies les plus avancées de l’information, préparant à chaque moment l’avenir, par exemple en matière de télécommunications. Les Etats-Unis bénéficient aujourd’hui de ce que j’appellerai une prépondérance tranquille. Il ne s’agit pas d’impérialisme. Il s’agit d’une capacité d’influence et d’arbitrage, que personne ne conteste, parce que le pays le plus vaste et le plus développé du monde a su, au cours de ces dernières années, se renouveler profondément. Voyez aussi l’Allemagne. Avec retard, elle se préoccupe aujourd’hui de la compétitivité du site de production allemand ; avec la méthode chère à nos amis d’Outre-Rhin tous les problèmes sont posés et font l’objet d’une discussion approfondie entre tous les partenaires sociaux. C’est la collectivité tout entière qui s’interroge sur ses chances d’avenir et sur ce qu’il faut faire pour les saisir. Je ne vois pas cela en France.
F&A n°3 nouvelle série - mars 1989
Bourse, entreprises Il n’y a pas d’économie moderne et dynamique sans une Bourse active, qui assure aux entreprises la liquidité de leurs titres sur le marché et, qui permette de mobiliser l’épargne en faveur des investissements ; certes les fluctuations de cours peuvent assurer de profits substantiels, mais ils peuvent tout aussi bien entraîner de lourdes pertes – mais on en parle moins –. Il y a certes des activités spéculatives, que personne ne peut empêcher ; mais ce sont les placements durables dans les entreprises prospères à cause de la qualité de leur gestion, qui se révèlent à moyen terme les plus sûrs et les plus rémunérateurs. (..) La vulnérabilité des entreprises françaises et (..) les risques de voir un certain nombre de nos entreprises, et les plus belles, passer sous contrôle étranger, faute de moyens suffisants pour sauvegarder leur indépendance. Il ne peut y avoir de solution tranchée. Le Gouvernement français, l’opinion publique française, ne peuvent s’opposer à ce que des Européens, des Américains ou des Japonais prennent le contrôle d’entreprises françaises tout en souhaitant que des Français prennent le contrôle d’entreprises étrangères. Ce n’est pas à l’Etat d’imposer une « solution française » à la place d’une « solution étrangère » ; surtout quand la prise de contrôle n’assure pas une position de monopole à une entreprise étrangère et quand l’OPA est comme l’on dit, amicale, c’est-à-dire faite avec l’accord de l’entreprise française. Nous ne protégerons pas nos entreprises vulnérables par des réglementations nationalistes, ni par des autorisations gouvernementales à des prises de participation supérieures à 10 %. Dans d’autres pays européens, c’est la Communauté industrielle et financière qui mobilise, le cas échéant, les moyens nécessaires pour dissuader une prise de contrôle étrangère. Il y a de grands progrès à faire en ce sens dans notre pays.

ECOLOGIE ET CROISSANCE DES PAYS PAUVRES

F&A n° 4 nouvelle série - avril 1989
Il ne sera pas possible d’assurer l’avenir de la planète en lui sacrifiant le développement des pays pauvres. Les pays industrialisés, qui sont responsables de la plus grande part des atteintes à l’environnement, peuvent-ils interdire aux pays en développement des méthodes polluantes qu’ils ont utilisées pour leur croissance, sans les aider à poursuivre leur développement ? Pourquoi ne pas réduire le fardeau de la dette des pays en développement en échange de mesures de protection de l’environnement comme, par exemple, la sauvegarde et la reconstitution de la forêt en Amazonie ?

EDUCATION

F&A n° 12 nouvelle série - décembre 1990
Il faut casser le système, qui est hypercentralisé et syndicalisé à l’extrême. Qu’on me comprenne bien, je n’entends pas exclure l’Etat du domaine de l’éducation, cela serait contraire à la tradition française et républicaine. Cela serait également dangereux. Autant je reconnais à l’Etat, et par conséquent à un ministère de l’Education, un rôle d’impulsion, de coordination et d’arbitrage, autant je crois qu’il est incapable d’assurer la gestion d’un système éducatif qui concerne des millions de fonctionnaires, d’élèves et d’étudiants et qui se caractérise par une grande uniformité dans l’utilisation des moyens. Aussi devons-nous différencier les responsabilités ministérielles, selon qu’il s’agit de l’école, des universités, et de l’enseignement technique et professionnel. Cependant la pièce maîtresse d’un nouveau dispositif devrait être une très large autonomie des institutions d’enseignement, s’exerçant dans le cadre de quelques règles générales et accordant la responsabilité et l’autorité à un chef d’établissement, travaillant en étroite symbiose avec les professeurs, les élèves et les familles.

EUROPE

F&A n°21 nouvelle série - Octobre 1992
Les risques de l’élargissement Je pense qu’il faut être très circonspect à l’égard de l’élargissement et très ferme sur ses conditions. Plus que jamais, il faut éviter la dilution de la Communauté dans une vaste zone de libre-échange. Le traité de Maastricht entraînera un approfondissement qui limitera les risques d’un élargissement précipité. Dans Libération 01.09.92
F&A n° 29/31 nouvelle série - février 1995
Fidélité à l’Europe Les Français doivent se convaincre que seule la construction européenne, poursuivie dans la rigueur et dans la clarté, permettra à notre pays de conserver sa place et son influence dans le monde. Mais aussi que seule la construction européenne répond aux attentes de ceux qui souhaitent plus de prospérité et de justice. Le repli sur soi ne serait pas seulement fatal au rôle international de notre pays. Il le serait tout autant au niveau de vie, aux conditions matérielles d’existence des Français. C’est l’intérêt national le plus pressant bien plus qu’une idéologie « européenne » qui doit en fait inspirer notre engagement pour l’Union européenne. Je ne peux observer sans inquiétude, et parfois sans stupéfaction, les conceptions de ceux qui prétendent opposer la souveraineté nationale à l’action en faveur de l’union de l’Europe. Cette opposition est entièrement dépassée. A l’heure de la globalisation des échanges et de l’influence prépondérante des marchés financiers, à l’heure des guerres larvées ou déclarées tout près de nous, comment ignorer que seule l’Europe unie rendra à la France comme à chaque nation d’Europe une marge de manœuvre qu’elle est insensiblement en train de perdre ? La souveraineté dont nous entretiennent les tenants de l’isolement français est une souveraineté purement formelle. Je lui préfère la souveraineté réelle qui doit naître de la poursuite de la construction de l’Europe.

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En librairie

À lire : RAYMOND BARRE AUJOURD’HUI, Leçons d’expérience pour la France actuelle, Jacques Bille, Éditions Temporis

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Une illustration édifiante : ces propos de Raymond Barre datent de 1992, ils sont toujours d’une brûlante actualité. 

« Quand ils paraissent se désintéresser de la politique et quand ils déversent leur irritation sur les hommes politiques, les Français ne montrent-ils pas en fin de compte leur déception de ne pas avoir une politique claire et vigoureuse du Gouvernement à approuver ou à combattre, une politique qui ne puisse être un objet d’indifférence ? Une politique, c’est-à-dire des objectifs et des moyens, des explications et des actes ! Les Français ont toujours eu besoin de sentir qu’ils étaient gouvernés, quelles que puissent être par ailleurs les irritations et les revendications en tous sens ! C’est en tout cas la seule façon d’éviter le recours aux extrêmes qui est peut-être le plus grand risque de la situation actuelle. »

En bref


 

 

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