Table ronde « La Formation »

Table ronde « La Formation »

Président/modérateur : Jean-François Pilliard, membre du Conseil économique, social et environnemental 

Témoins :
– Luc Ferry, ancien ministre
– Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin, ancien recteur d’académie, ancien directeur général de l’enseignement supérieur

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Pierre André Wiltzer, vice-président de Présence de Raymond Barre

Nous allons entamer la quatrième et dernière Table ronde de ce colloque et avant de présenter les orateurs, j’aimerais faire une observation générale : il se trouve que pour parler de ce thème de table ronde, qui est « Formation », mais formation au sens large, éducation, formation à tous les niveaux de la formation, quelle qu’en soit la nature, nous avons la chance d’avoir trois intervenants qui sont tous étroitement liés au monde de l’éducation et de l’université.

Luc Ferry : professeur de philosophie, essayiste, chroniqueur très connu, auteur de très nombreux ouvrages, dont un tout dernier qui fait beaucoup parler sur le transhumanisme, et naturellement ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche de 2002 à 2004, où j’ai eu la chance d’être avec lui, dans la même équipe gouvernementale, celle de Jean-Pierre Raffarin à l’époque.

Patrick Hetzel, qui est aussi universitaire, professeur de droit, qui a été Recteur de l’académie de Limoges, et qui est aujourd’hui député Les Républicains du Bas-Rhin. Patrick Hetzel a beaucoup travaillé sur les questions de l’éducation et de l’université, il a présidé la Commission nationale du débat université/emploi qui d’ailleurs a porté son nom, « la Commission Hetzel ; il a été Conseiller éducation enseignement supérieur au Cabinet du Premier ministre en 2007/2008 (François Fillon) ; il a été directeur général pour l’enseignement supérieur à l’insertion professionnelle au ministère de l’Enseignement supérieur et il a été élu en 2012 député du Bas-Rhin dans la très belle circonscription de Saverne où il continue à suivre de près les mêmes questions, entre autres.

Jean-François Pillard qui va animer cette table ronde est grand spécialiste des ressources humaines : il a dirigé les ressources humaines dans toute une série de grands groupes dans la pharmacie, l’informatique, etc. Lui aussi est (ou a été) professeur associé dans différentes universités ou écoles, à Paris 2, à l’ESCP aujourd’hui, il a été le Délégué général de l’Union des entreprises métallurgiques et minières (l’UMM) ; il a présidé la Commission protection sociale du MEDEF et il a, d’une manière générale, été le chef de file dans les discussions entre les organisations patronales et syndicales sur le thème de la réforme de la formation professionnelle et il est aujourd’hui également membre du Conseil économique, social et environnemental.

Je remercie beaucoup ces trois intervenants de leur présence et de leur participation. Je laisse la parole à M. Pillard.

Jean-François Pilliard
J’ai la chance en tant qu’animateur d’être autour d’une table ronde réduite, ce qui me laissera j’espère, l’opportunité de participer aux débats. Moi je lancerai seulement le propos en me référant à Raymond Barre, dont une des grandes qualités je m’en souviens, était — et ce n’est pas la caractéristique première du monde politique —, la pédagogie. J’ai le souvenir d’un homme qui avait la capacité d’expliquer les choses simplement et qui s’était rendu accessible. Comme on l’a évoqué aussi, il avait une deuxième caractéristique (qui n’est pas non plus toujours le fait de la classe politique) : c’est qu’il était totalement indifférent aux sondages et à ce qu’on pensait de lui, ce qui lui conférait une détermination dans l’action. On parlait tout à l’heure de zigzags ou de zapping : ce n’est malheureusement plus la caractéristique de notre environnement.

Raymond Barre en matière de formation et d’éducation, c’est rappelé dans le document qui nous a été envoyé, avait notamment concentré son action sur deux domaines, qui restent totalement d’actualité :

  • les jeunes : comment donner un sens, un avenir à la jeunesse ? Finalement, l’accès à l’emploi pour les jeunes ;
  • le monde de l’éducation dont il considérait à l’époque (mais ça n’a pas tellement changé) que c’était un monde centralisé et syndicalisé.

Mon dernier propos sera de dire ceci :, c’est que l’on parle souvent de l’environnement de l’entreprise à travers la législation sociale, le coût du travail, qui sont incontestablement les éléments clé de la compétitivité, mais moi qui ai fait une très grande partie de ma vie professionnelle dans l’entreprise je peux vous le dire : aujourd’hui pour l’entreprise et pour la nation, la question centrale, c’est : est-on capable d’avoir en temps et en heure les compétences dont on a besoin ?

On aura l’occasion d’en débattre, mais je pense que notre pays a mené des politiques, pour des tas de raisons, en faveur de la basse qualification, qui nuisent très fortement à la compétitivité du pays et à son développement et qui nous empêchent d’aller chercher la croissance là où elle se trouve, c’est-à-dire à travers le monde. J’ai été exposé pendant les douze dernières années de ma vie professionnelle où je passais cinq ou six mois hors de France (en particulier en Chine et en Amérique du Sud) aux difficultés de la France pour conquérir ces marchés, faute d’avoir en temps et en heure les compétences et la mobilité nécessaires.

Je vais inviter mes deux orateurs à prendre la parole et je forme le souhait que tous les trois ensemble et avec vous, on sorte de l’exercice convenu qui est l’exercice intellectuel habituel, qui consiste à parler exclusivement de réflexions : la France est un pays qui a une capacité conceptuelle très au-dessus de la moyenne (c’est la bonne nouvelle), la très mauvaise nouvelle, c’est qu’elle a une capacité opérationnelle ou d’exécution inversement proportionnelle à sa capacité conceptuelle. J’invite donc nos orateurs, à travers leurs réflexions, à nous dire ce qu’il est utile de faire, mais aussi comment le faire.

Luc Ferry
À trois ou quatre reprises, j’ai eu l’occasion d’échanger quelques idées avec Raymond Barre sur l’éducation, sur le ministère et il avait trois mots en tête : décentralisation, déconcentration, autonomie plus grande des établissements. Il avait évidemment raison. Mon vieil ami Claude Allègre a fait beaucoup depuis, transformant le mammouth en un troupeau de petits éléphants, ce qui est quand même un grand progrès, et c’est vrai que de ce point de vue là les choses ont bien avancé. J’ai continué le travail avec la décentralisation des TOS, ce qui était assez compliqué, mais cela s’est quand même fait.

On a sur ces sujets réalisé beaucoup de choses malgré tout. Ce qui reste pour moi le problème numéro un de l’école, et pas simplement de l’école (je vais y revenir), des familles en vérité qui sont plus en difficulté que l’école, ce sont deux statistiques terribles : 35 % de nos enfants sont, à l’entrée en sixième en très grande difficulté par rapport à la lecture (problème n° 1 pour moi), on a en gros 7 ou 8 % d’analphabètes, 10 % de plus de lecteurs très lents et peu fiables et encore 15 % de lecteurs fiables, mais tellement lents qu’ils ne peuvent pas lire par plaisir.

J’ai réalisé là-dessus une étude avec mon ami l’amiral Béraud : on a croisé les chiffres du Ministère de la Défense et ceux du ministère de l’Éducation nationale, en gros on a 35 % de nos enfants qui sont en grande difficulté. Ce qui est assez frappant, c’est que les chiffres sont les mêmes au niveau de la lecture et de l’écriture que ceux qu’on avait dans le temps au cours des « trois jours » et qui sont devenus les JAPD (journées d’appel pour la défense) avant de s’appeler « jours de citoyenneté » (ils changent de nom, mais restent les trois jours). On a là des statistiques complètes et non des échantillons. On trouve exactement le même taux d’illettrisme à 18 ans qu’à l’entrée en sixième, ce qui veut dire qu’on sait produire l’échec, mais peu le corriger.

Avant d’entrer dans le vif du sujet de cette question qui pour moi est primordiale, j’insiste sur une distinction à faire, qu’on ne fait pas assez notamment dans les enquêtes de l’OCDE, entre « éducation » et « enseignement ». Les mots ont un sens : l’« éducation » c’est la famille, ce sont les enfants et les parents, l’« enseignement », c’est l’école (ou établissement scolaire), ce sont les élèves et les professeurs. On ne distingue pas suffisamment les deux.

Ce qui va très mal en France, ce sont les familles, dans 15 % des quartiers difficiles. On a un corps enseignant notamment du primaire, qui est excellent, – certainement le meilleur du monde avec un niveau de recrutement très élevé (beaucoup plus que dans les années 70/80), mais on a en revanche des familles en très grande difficulté.

Je vais vous dire ma thèse de fond : si l’éducation n’a pas précédé l’enseignement, si les familles n’ont pas élevé les enfants, l’enseignement n’est pas possible.

Je mets n’importe lequel d’entre nous dans une quatrième techno un peu délicate, il ressort en tutu au bout d’un quart d’heure. Cela ne va pas. Si les enfants n’ont pas été élevés, les professeurs ne peuvent pas faire leur travail. Il y évidemment de mauvais professeurs, il y en a des bons, c’est une courbe de Gauss classique comme dans toutes les professions, mais encore une fois si l’éducation dans les familles n’a pas précédé l’enseignement dans les écoles, rien n’est possible. Et c’est le problème numéro un.

Je vais vous lire un petit texte de Victor Hugo, car c’est une époque où dans ces lieux on s’exprimait un peu différemment d’aujourd’hui et je trouve le texte magnifique. C’est une lettre de 1872, mais qui reprend un de ses discours à l’Assemblée et au Sénat où d’ailleurs il a le culot de commencer par « mes chers confrères », ce qui était un peu audacieux à l’époque, car dans le mot « confrères » on entend le mot « frères » !

Écoutez bien ce texte qui est joli et qui traite de l’éducation et de l’instruction (l’instruction étant la même idée que l’enseignement).

« Quant à moi je vois clairement deux faits distincts : l’éducation et l’instruction. L’éducation c’est la famille qui la donne, l’instruction c’est l’État qui la doit. »

Ces termes « donner », « devoir », c’est beau, c’est parfait !

« L’enfant veut être élevé par la famille et instruit par la patrie. Le père donne à l’enfant sa foi ou sa philosophie, l’État donne à l’enfant l’enseignement positif. De là cette évidence que l’éducation peut être religieuse et que l’instruction doit être laïque. Le domaine de l’éducation c’est la conscience, le domaine de l’instruction c’est la science. Plus tard, dans l’homme fait, ces deux lumières se complètent l’une l’autre. »

On ne peut pas faire mieux, c’est parfait ! Pas une virgule à changer, et rien à rajouter non plus.

Ce qui m’a le plus guidé lorsque j’étais ministre, c’est une enquête réalisée par Claude Thélot, : en 1995, on avait retrouvé par pur hasard 9 000 copies de certificat d’études, oubliées dans le grenier de la sous-préfecture de la Somme où elles étaient enfermées dans des sacs de jute, des sacs de pommes de terre ! Alors que les copies sont détruites tous les 4 ou 5 ans, elles avaient été oubliées, mais étaient corrigées. Claude Thélot, — c’était du temps où Bayrou était ministre —, a eu l’idée de faire une comparaison entre les élèves de l’époque puisque l’on avait là un échantillon bien représentatif, et les élèves d’aujourd’hui. Comme Thélot était plutôt un homme du centre gauche progressiste et qu’il détestait les idéologies du déclin, il a éliminé tout ce qui pouvait fausser la comparaison : on s’est aperçu par exemple qu’à l’époque les instituteurs ne présentaient que 10 ou 12 % de leurs élèves, on sait pour parler en bon français qu’ils les « coachaient » toute l’année, on sait qu’on a retiré toutes les épreuves qui n’étaient pas au programme, on sait aussi que la France était beaucoup plus rurale qu’aujourd’hui, on a recomposé un échantillon de petits élèves d’aujourd’hui qui étaient semblables en termes de CSP à la France de l’époque. Un jour je croise « mon » Thélot dans un couloir du ministère, il tirait une mine pas possible, une tête longue comme un jour sans pain, et je lui demande ce qui ne va pas ; il me répond que les résultats sont calamiteux. Je vous donne juste un chiffre, parmi beaucoup d’autres : à l’époque, dans la dictée qui n’a absolument pas changé (petit texte de 10 lignes), les élèves faisaient en moyenne 5 fautes d’orthographe, ce qui équivalait à la note 0. En 1995, avec les élèves sélectionnés (élèves de 5e, ce qui était un avantage pour eux) commettaient 17 fautes dans la même dictée, ce qui ressemble aux textos de nos enfants : les mots sont mal découpés, on confond les « s » et les « ent », les pluriels… Là on a un vrai souci : le rapport à la langue qui a changé et pas en bien. C’est pour moi la préoccupation n° 1, car, quand on est en difficulté en lecture et écriture, on est en difficulté aussi en histoire, en géographie, et même en sciences.

Le deuxième sujet, c’est qu’on a 160 000 jeunes qui quittent le système scolaire chaque année sans rien. J’ai mis 5 ans à faire admettre ce chiffre que maintenant tout le monde admet — vous le trouvez absolument partout —, j’ai reçu des lettres d’injures de certains de mes prédécesseurs (pour ne pas les nommer, Jack Lang et Ségolène Royal), mais ils ont fini par admettre que c’était la vérité. J’ai nommé président du Haut Conseil de l’évaluation le directeur de Cabinet de Jack Lang. Christian Forestier a regardé les choses puis il a sorti un rapport établissant que, en effet 160 000 gamins quittent le système scolaire chaque année sans rien, ce qui fait que la gauche ne pouvait plus s’opposer à cette réalité, à la publication de cette statistique.

Lorsque Bayrou était au ministère, l’enquête de Thélot est sortie avec ce chiffre terrible de 35 % d’enfants en très grande difficulté de lecture à l’entrée en sixième, Bayrou m’avait dit : « surtout surtout tu ne dis rien, tu n’annonces pas les choses, ça va faire des remous, les professeurs vont se sentir insultés, cela va engendrer des polémiques ! » Moyennant quoi je me suis empressé de faire la une de l’Express avec le chiffre en question, ce qui a évidemment commencé à déclencher une prise de conscience, et a été, à mon avis, extrêmement salutaire.

La question, c’est « pourquoi ? », « pourquoi ces deux chiffres : 35 % d’enfants en grande difficulté de lecture et cela explique la réalité de l’échec scolaire par la suite, et 160 000 jeunes qui quittent le système scolaire chaque année sans rien ? »

Ce sont les mêmes ! Les 160 000 se cumulent d’année en année et quand vous parlez mal, vous lisez mal, vous êtes coincé dans le fond de la classe en échec scolaire pendant des années, vous devenez méchant et violent. Une grande partie de la violence, non pas seulement scolaire, mais aussi extrascolaire s’explique évidemment par cette « viscosité » de l’échec scolaire. Je pense qu’on a commis dans la rénovation pédagogique dans les années 70 (dans le sillage de mai 68), on a commis trois erreurs « intelligentes », je vous les indique simplement et je m’arrêterai là parce que je pourrais en parler pendant des heures. Ces trois erreurs « de bonne volonté » qui semblaient justes sur le papier, qui paraissaient de bonnes idées, c’étaient des idées parfaitement stupides et fausses, mais elles étaient intelligentes en apparence ; sinon tous ces hommes de bonne volonté ne se seraient pas engouffrés dans de telles erreurs. Comme disait Pascal, « il y a toujours quelque chose de juste dans toute opinion, quelle qu’elle soit », en tout cas on peut imaginer qu’il y a une petite part de vérité.

Trois erreurs fondamentales qui expliquent à mon avis une grande partie de la situation actuelle, mais il y a sans doute une autre raison et je vous en dirai un mot si l’on m’accorde quelques secondes de plus :

  1. On est entré dans la rénovation pédagogique, c’est-à-dire dans l’idéologie de l’auto-construction des savoirs ! L’enfant n’apprendrait vraiment que ce qu’il construirait lui-même, cela va jusqu’à « la main à la pâte » si vous avez entendu parler du projet de Charpak, que je n’aime pas du tout (je ne parle pas de Charpak, mais de son projet ! – Charpak était un grand homme très sympathique). Cette idée que l’enfant ne comprendra que ce qu’il va inventer par lui-même me paraît une idée sympathique, mais profondément fausse. C’est ainsi qu’on a fait rédiger par exemple les règlements intérieurs des collèges, ou des écoles par les enfants eux-mêmes. Mais ils savaient très bien que s’ils les avaient rédigés eux-mêmes, ce n’était pas sacré, cela n’avait pas très grande importance. Il y a deux môles dans l’éducation comme dans l’enseignement d’ailleurs, car les deux se mêlent un peu sur ces terrains-là : il y a deux secteurs de l’enseignement et de l’éducation qui sont totalement patrimoniaux, totalement des héritages, totalement traditionnels, de la transmission, qui n’ont aucun rapport avec la spontanéité de l’enfant, avec cet « enfant-roi » qui va tout construire par lui-même : c’est la langue et c’est la politesse, la civilité. La langue (« bijou, caillou, chou, genou…. » et l’accord du participe passé avec le verbe avoir que nos politiques ont tant de mal à maîtriser — la décision que j’ai prise — (ça me choque comme une fausse note dans une ballade de Chopin, mais je l’entends quasiment tous les jours !), c’est de considérer ces règles de grammaire comme totalement patrimoniales : il y a zéro créativité dedans ; je vais le dire autrement : la créativité en matière de grammaire, ça s’appelle « les fautes d’orthographe », cela n’est rien d’autre. Même chose pour la politesse : vous terminez votre lettre par « Veuillez agréer… mes sentiments les meilleurs » : zéro créativité, zéro spontanéité ! Purement patrimoniale et là, cela suppose respect et humilité dans l’apprentissage et non pas cet enfant-roi qui va tout inventer lui-même. Du reste en sciences ce n’est pas si différent que cela : un bon cours sur Newton ou sur Galilée, cela vous fait gagner des années. Si vous devez tout trouver vous-mêmes, je vous souhaite bonne chance ! Il y’a donc deux secteurs dans lesquels l’école est le plus en difficulté et ce n’est pas un hasard : c’est la civilité ou la politesse pour l’appeler par son vieux nom et c’est la maîtrise de la langue. Ce sont les deux problèmes fondamentaux.

 

  1. Le jeunisme : quand j’étais ministre de la Jeunesse, je passais mon temps à dire au Conseil de jeunesse : « on n’est rien de grand à dix ans ! » Vous prenez n’importe quel imbécile de chanteur ou de starlette chez Drucker, il vous explique « Ah j’ai dix ans… ! » Dix ans, c’est une horreur, ce sont des « bouts d’choux », j’adore mes filles, elles sont les plus belles du monde, mais on n’est rien de grandiose à dix ans. On n’est ni un grand chef d’entreprise, ni un grand poète, ni un grand musicien, ni même un grand joueur de foot ! Le monde des adultes, mes amis, est beaucoup plus riche, plus intense, plus intéressant et plus profond que le monde de l’enfance et si vous dévalorisez le monde des adultes, vous n’avez aucune chance de donner envie aux enfants de vieillir ni d’apprendre. Il faut sortir de ce jeunisme débile qu’on a connu après 68 et se défaire de ce syndrome de Peter Pan (le petit garçon qui ne veut pas grandir et qui veut rester dans le monde de la fée Clochette et du capitaine Crochet !. Il faut sortir nos enfants de ce monde-là, il faut leur expliquer que le monde des adultes peut être hélas « raté », c’est vrai, mais quand il est réussi, encore une fois il est plus intense, plus grandiose, plus intéressant et plus profond que le monde de l’enfance.

 

  1. Motivation travail ! C’est ce que j’appelle « la pédagogie de l’hameçon », la tarte à la crème des pédagogues ! On s’est dit qu’il fallait motiver les enfants et qu’on les ferait travailler après… on les motive peut-être, mais pour le travail… on peut toujours attendre ! Et je n’ai jamais vu qu’on faisait travailler un enfant sans un moment d’autorité. La vérité, on le sait dans cette salle, car nous avons tous travaillé beaucoup, c’est qu’on ne s’intéresse jamais que ce à quoi on a beaucoup travaillé. L’intérêt ne précède pas le travail, il le suit ! Même la géographie a fini par me passionner parce que j’ai travaillé beaucoup. Même la physique et la chimie qui m’ennuyaient à mourir a priori, mais si vous n’avez pas travaillé d’abord, cela n’a aucun intérêt. Est-ce que j’ai traduit La critique de la raison pratique dans la Pléiade par plaisir ? Certainement pas ! Rien n’est plus fatigant que de traduire cet ouvrage, mais une fois que j’ai terminé, quel bonheur redoublé de comprendre ces grands textes ; cela suppose, encore une fois, un travail préalable. Paradoxalement le travail précède la motivation. Et si vous réussissez à faire travailler un enfant de 8, 10, 12 ou 15 ans sans un moment d’autorité, je veux bien être pendu sous un fraisier, car je suis persuadé que personne ne peut y arriver.

Ces trois erreurs que je viens de mentionner, je vais faire comme mon ami Gérard Collomb, — il ne faut pas être sectaire —, ce sont des erreurs, disons-le, de gauche ! C’est la gauche « pédago », ce sont des erreurs post-soixante-huitardes dans le sillage de la rénovation pédagogique, qui trouvait, en même temps qu’on créait ces abominables « Sciences de l’éducation » beaucoup d’échos dans la deuxième gauche, la gauche sympathique, gentille, qui voulait vraiment aider les enfants en modifiant la pédagogie traditionnelle et en supprimant les cours magistraux en particulier.

Mon ami Jean-Claude Casanova qui a écrit des choses magnifiques sur Shumpeter (la préface que tu as rédigée, un chef d’œuvre).

Shumpeter a très bien décrit le tragique des sociétés libérales à l’égard de l’éducation. Pourquoi ? Parce que nous avons vécu un vingtième siècle de déconstruction des valeurs traditionnelles d’autorité comme jamais dans l’histoire de l’humanité.

On a regardé l’histoire de l’art, on a déconstruit les tonalités en musique avec Schoenberg de Vienne, on a déconstruit la figuration en peinture avec Picasso et Kandinsky qui sont les deux pères fondateurs de l’art moderne, on a déconstruit les règles traditionnelles de la danse avec Pina Bausch, avec Béjart, du théâtre avec Beckett ou Ionesco, on a essayé en 68 de déconstruire les grandes valeurs morales du monde traditionnelles, qu’elles fussent d’ailleurs religieuses ou républicaines, bref on a vécu un siècle de décontraction des autorités traditionnelles comme jamais dans l’histoire de l’humanité.

Et quand vous regardez non pas l’histoire de l’art, mais l’histoire de la société civile française, on a là aussi bouleversé le monde d’ailleurs parfois et même souvent en bien, — l’histoire des femmes, l’histoire des paysans à cet égard sont passionnantes ! –.

Lors d’un voyage en Suisse dernièrement, j’étais dans l’Appenzell, l’un des vingt-six cantons de la Suisse, et sans doute l’un des plus archaïques, j’ai demandé au maire de la ville qui m’invitait, quelle était la date à laquelle les femmes ont reçu le droit de vote. Étonnez-vous bien Mesdames : 28 avril 1991 ! Quand je dis cela à ma grande fille née en 1991, les bras lui en tombent des mains ! Cela lui paraît inimaginable, elle pense que ses parents sortent de Jurassic Park ! Et le droit de vote fédéral, c’est en 1976 !

Chez nous, c’est un peu avant, mais souvenez-vous quand Giscard accède au pouvoir, il va modifier le code de la famille : l’homme est encore le chef de famille, et souvenez-vous que pour prendre la pilule la femme a encore besoin de l’autorisation de son mari, y compris quand elle est sous le régime normal de la communauté, elle a besoin de l’autorisation de son mari pour ouvrir un compte en banque. Tout cela se modifie dans les années 70 ; bien sûr la Suisse nous fait rire, mais à l’histoire humaine, tout cela est quand même assez comparable : l’histoire des femmes et l’histoire de l’émancipation. Pour moi qui ai toujours pensé qu’il n’y avait pas d’homme libre sans femme libre, c’est la bonne nouvelle.

Regardez le monde paysan maintenant : pour dire à quel point la société civile a changé, elle a été bouleversée, il y avait 6 millions de paysans dans mon enfance (je suis né en 1951), il reste aujourd’hui 312 000 exploitations agricoles ! D’ailleurs mon vieil ami Roland Cayrol me faisait observer que dans les années 70 dans les enquêtes d’opinions, la ligne agriculteur était encore la première, elle a disparu aujourd’hui dans la plupart des enquêtes d’opinions.

J’ai l’air de m’éloigner, mais non, nous avons vécu un siècle de déconstruction des autorités et des valeurs traditionnelles comme jamais dans l’histoire de l’humanité et, bien évidemment, j’y reviens : « politesse et grammaire », on est typiquement dans des môles traditionnels, dans des transmissions patrimoniales qui n’ont rien à voir avec l’individualisme démocratique, avec la créativité et la spontanéité, il y a tout un mouvement de la société civile, un mouvement libéral très shumpeterien qui est allé dans le sens de la déconstruction des valeurs et des autorités traditionnelles ; il est bien évident que dans ce contexte-là, le respect de la langue et de la grammaire, le respect des règles traditionnelles de la civilité ont été fortement marqués. On a au fond une responsabilité assez partagée entre la droite libérale et la gauche libertaire dans le déclin et de l’éducation et de l’enseignement au cours des quarante ou cinquante dernières années. Sans être du tout pessimiste, on commence à comprendre — et les parents eux-mêmes sans doute ! —, que les enfants ont besoin d’autorité et que l’on remette un peu les choses en ordre. Je ne suis pas désespéré, mais il faut reconnaître que l’on a vécu un demi-siècle de déclin assez marqué. Cela s’est incarné dans les statistiques que je vous ai livrées tout à l’heure. Voilà ce que je voulais vous dire aujourd’hui. 

Jean-François Pilliard
Merci Luc Ferry, je vous propose de revenir ultérieurement sur les solutions, après les deux interventions suivantes, en fonction du temps restant.

Je vous présente maintenant Patrick Hetzel :
«  Vous êtes toujours enseignant, vous avez été Recteur de l’académie de Limoges et Directeur général de l’enseignement supérieur. Vous avez aussi beaucoup travaillé sur la partie formation de l’enseignement supérieur, dites-nous quels sont vos principaux messages sur ce sujet.

Patrick Hetzel
Tout d’abord je voudrais remercier les organisateurs, en premier lieu le Professeur Casanova parce que je crois effectivement, que plus que jamais « Présence de Raymond Barre », cela a du sens. D’ailleurs lorsque nous reprenons — et vous étiez plusieurs aujourd’hui —, un certain nombre d’enseignements de Raymond Barre, on s’aperçoit qu’ils sont plus que jamais d’actualité.

Ce qui faisait la richesse de la pensée et de l’action de Raymond Barre, c’est qu’il avait une vision internationale, qu’il était doté d’une très grande culture, notamment classique et qu’il savait être visionnaire. En matière éducative, comme dans beaucoup d’autres domaines, il avait été visionnaire. Si je me réfère à ce qu’il écrivait dans Faits et Arguments en décembre 1990, on peut y lire : « (…) la pièce maîtresse d’un nouveau dispositif devrait être une très large autonomie des institutions d’enseignement, s’exerçant dans le cadre de quelques règles générales et accordant la responsabilité et l’autorité à un chef d’établissement, travaillant en étroite symbiose avec les professeurs, les élèves et les familles. ». Ces propos sont d’une très grande actualité et je pense plus que jamais que l’efficacité de l’éducation passe par le triptyque autonomie, responsabilité et évaluation.

Permettez-moi de faire un petit zoom arrière pour comprendre ce qui s’est passé ces dernières années en matière éducative en France. En arrivant au pouvoir en 2012, la majorité actuelle criait haut et fort que l’Éducation nationale était le domaine dans lequel nous allions voir ce que nous allions voir, car elle avait préparé un projet novateur que Monsieur Peillon avait d’ailleurs très modestement, comme à son habitude, intitulé « refondation de l’école ». On nous promettait un passage de l’ombre à la lumière à grand renfort de déclarations fracassantes du ministre. Hélas, quatre ans après, force est de constater que c’est l’un des secteurs dans lequel l’échec politique de l’actuelle majorité est encore plus important qu’ailleurs et ce n’est pas peu dire. Trois ministres se sont déjà succédé depuis 2012 au ministère de l’Éducation nationale, trois directeurs de l’enseignement scolaire et deux présidents du conseil supérieur des programmes. Cette instabilité illustre d’ailleurs l’incapacité de la majorité actuelle à construire un véritable cap pour notre éducation nationale. Disons-le tout de go, cette gauche-là a échoué et son projet pour l’école s’est fracassé sur le rocher de la pensée magique qui consiste à croire que le ministre serait le seul acteur de la politique éducative.

Comment expliquer un tel échec ? Les causes sont multifactorielles. Au départ, il y a un péché originel dont la gauche n’arrive pas à se départir : elle avait annoncé dès la campagne présidentielle qu’elle allait créer 60 000 postes sans la moindre contre partie. En procédant de la sorte, elle commettait évidemment une erreur majeure, car elle rentrait ipso facto dans une vision très réductionniste de la politique éducative : le problème serait de nature quantitative et avant tout lié à un problème de moyen. Une telle approche est évidemment non seulement simpliste, mais surtout elle met de côté l’essentiel. Elle oublie deux choses très importantes : tout d’abord qu’il faut garder à l’esprit une approche qualitative de l’éducation (mais là on touche à un problème idéologique pour cette gauche qui parmi ses premiers actes d’autorité a supprimé les internats d’excellence, plus soucieuse qu’elle était de brandir l’égalitarisme au détriment du mérite républicain), ensuite, qu’il faut tenir compte de la place réelle des individus dans le système éducatif. Cela me rappelle des débats sociologiques entre Pierre Bourdieu et Raymond Boudon, le premier lisant le réel à travers le seul tropisme du déterminisme social là où le second voyait avec l’individualisme méthodologique, la capacité de montrer que les individus gardaient bien une capacité d’action au sein de tout système et que, fort heureusement, tout n’était pas déterminé à l’avance. Aussi, plutôt que de passer son temps à construire des usines à gaz pour corriger les potentielles dérives, il fallait plutôt faire confiance aux acteurs et leur donner les voies et moyens pour agir librement, prendre des initiatives, etc., en somme, construire un système de confiance plutôt qu’un système de défiance, penser un système où autonomie et responsabilité sont vues comme indissociables. Nous reviendrons sur ce point un peu plus loin.

Mais il y a encore d’autres causes à l’échec. Ainsi, on préféra donner la priorité à la société du spectacle et à la communication. Les ministres n’ont cessé de faire des annonces, mais ne semblent pas comprendre qu’un ministre n’est rien en matière éducative s’il ne se passe rien à l’échelle de la classe. Pourtant Jules Ferry, dans sa fameuse lettre aux enseignants, avait parfaitement compris que la personne qui était et qui devait rester au centre du système éducatif n’était pas l’élève, mais le maître. Au lieu de rompre avec le pédagogisme, la gauche au pouvoir l’a magnifié. C’est une double erreur, politique parce que le pédagogisme ne permet pas de répondre aux aspirations réelles des enseignants et scientifique parce que cette primauté donnée au pédagogisme relève du passé et met de côté les avancées importantes, réelles et sérieuses des sciences cognitives. Ces dernières ont pu montrer que toutes les méthodes pédagogiques ne se valaient pas. Ainsi, on ne peut pas dissocier le travail sur les méthodes pédagogiques ni de la bonne compréhension des mécanismes d’apprentissage ni des contenus disciplinaires que l’on souhaite transmettre aux élèves. Tout cela est étroitement lié. En somme, par tentation démiurgique pour Monsieur Peillon, qui pensait que dire était suffisant pour faire, ou par ignorance pour Madame Vallaud-Belkacem, on avait passé par pertes et profits le bon vieux concept de transmission des connaissances. À force de vouloir confier de plus en plus de missions à l’école, on finit par oublier que la première d’entre elles reste et restera la transmission des connaissances. Le débat autour de l’interdisciplinarité dans le cadre de la réforme du collège en fut une triste illustration. En effet, qui pourrait être intellectuellement opposé à l’interdisciplinarité ? Toutefois, tous les spécialistes savent que l’accès à l’interdisciplinarité passe par un préalable : la bonne maîtrise disciplinaire. En somme, l’interdisciplinarité n’est possible et réaliste qu’à partir du moment où ex ante, il y a une bonne maîtrise des fondements disciplinaires, sinon, le pédagogue construit sur des sables mouvants et les connaissances finissent par être englouties par ledit mouvement au lieu de permettre une progression de l’acquisition des connaissances. Pour le dire autrement, pour construire une maison, on ne commence pas par la charpente, mais par les fondations. En ignorant cela, on a commis une autre erreur majeure.

Les facteurs explicatifs développés ci-dessus ne sont évidemment pas exhaustifs pour comprendre l’échec de la gauche en matière éducative, mais ils en fournissent un éclairage. De plus, je ne voudrais surtout pas arrêter mon propos à des critiques. En effet, l’école a pour belle et noble mission, et pour devoir, de transmettre une culture solide à des enfants et à des jeunes que l’environnement actuel éloigne de plus en plus du sens de l’effort. L’école doit avant tout les instruire, puis leur permettre de développer des capacités d’analyse et de compréhension et enfin faciliter leur insertion professionnelle. Les enjeux sont nombreux. Pour y parvenir, il convient de mobiliser tous les acteurs en présence : les parents, les membres de la communauté éducative, les élus et bien entendu les élèves eux-mêmes. Je suis intimement persuadé que pour y parvenir il faut bâtir et faire fonctionner notre système éducatif autour du triptyque autonomie, responsabilité et évaluation.

Bien entendu, avant tout, il convient à chaque niveau de formation, de bien définir quels sont les objectifs poursuivis en matière d’acquisition de connaissances et de compétences. C’est d’ailleurs pour cette raison que la loi Fillon (loi d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école) de 2005 avait développé le concept de socle commun de connaissances et de compétences. Une fois, le cap fixé, il est essentiel de faire vivre le système au travers de l’autonomie, de la responsabilité et de l’évaluation. L’autonomie ne veut pas dire le laisser-faire. Elle n’a évidemment de sens que si elle est indissociable des deux autres concepts. De fait, il s’agit de passer d’un paradigme de la défiance à un paradigme de la confiance, c’est-à-dire où l’on fait confiance aux enseignants, aux chefs d’établissements et aux corps d’inspection, en leur confiant des responsabilités : forts d’une formation qui les aura tous armés des connaissances les plus récentes en matière de sciences cognitives, ils seront normalement à même de prendre des initiatives, de faire fonctionner de véritables équipes pédagogiques, tout en cherchant, avant tout, à diffuser une culture basée sur le résultat et la performance éducative. À cet égard, l’expérience des académies et des free-schools anglaises peuvent être un creuset d’inspiration pour la France. Mais pour que l’on puisse mesurer une performance éducative au niveau soit individuel, soit d’un groupe classe ou d’un ensemble scolaire, encore faut-il que l’on se dote de bons outils d’évaluation. Nous avons besoin de remettre au goût du jour la culture de l’évaluation dans le système éducatif, non pas comme une sanction, mais comme un outil permettant de mesurer, de comparer, d’améliorer, de faire changer des pratiques : accepter d’évaluer à tous les niveaux, c’est faire en sorte que les innovations, les expérimentations, lorsqu’elles produisent de bons résultats, puissent être diffusées plus largement possible pour que notre école redevienne dans les années à venir la meilleure au monde. Je ne crois pas que cela relève du rêve fou. Je reste persuadé que les enseignants français sont mus par la volonté de faire réussir leurs élèves et de pouvoir réaffirmer avec fierté leur appartenance à l’Éducation nationale, institution qui doit redevenir le creuset de la République. En somme, le triptyque autonomie-responsabilité-évaluation est un outil fantastique pour que la culture de l’innovation et du changement ne reste pas à la marge du système éducatif, mais puisse en redevenir le moteur. Il existe au sein de l’Éducation nationale une formidable intelligence collective, ne la gâchons pas, mais transformons la au service d’une école de la réussite.

Jean-François Pilliard
Je voudrais introduire, compte tenu du rôle qui a été le mien, une dimension qui touche, au-delà de l’éducation, à la formation en partageant avec vous quelques réalités auxquelles l’entreprise et le pays sont confrontés.

La France est un pays qui, historiquement, n’est pratiquement pas descendu au cours des 20 dernières années, en dessous de 7 % de chômeurs. Ce taux en fait ne correspond pas à la réalité parce que, si dans le calcul ceux qui ne sont pas concernés par la perte de l’emploi, c’est-à-dire la Fonction publique, vous pouvez doubler le taux de chômage. C’est ce que j’appellerais le vrai chômage. Dans ce chômage qui gangrène à la fois la société française, la vie de chacun, mais aussi la réussite économique du pays, vous avez deux catégories qui sont concernées essentiellement dans les chômeurs de longue durée : d’un côté les jeunes sur lesquels on va revenir, ces fameux 160 000 jeunes qui font partie du patrimoine français, et de l’autre côté des seniors. Ces deux populations, d’âge différent, ont une caractéristique commune : c’est leur très faible qualification. C’est un propos macro-économique.

Ensuite, si l’on se place du côté de l’entreprise, ce qui a été mon cas pendant de très nombreuses années, on a d’un côté un nombre de chômeurs extrêmement élevé et de l’autre côté, aujourd’hui et demain un certain nombre d’entreprises sont dans l’incapacité de satisfaire la demande de leurs clients, d’aller chercher la croissance où elle se trouve, faute de qualifications

Afin de compléter notre débat j’aimerais revenir sur ces thèmes :

  • les 160 000 jeunes que vous évoquez Luc Ferry : quand on regarde dans le temps, le panorama a assez peu changé, il varie à la marge, il ne varie pas en fonction de l’efficacité de l’éducation nationale, il varie essentiellement en fonction de la démographie, c’est-à-dire du nombre de jeunes plus ou moins important qui arrivent sur le marché du travail chaque année. J’aimerais qu’on revienne sur ce sujet, qu’on puisse aussi dans les solutions réfléchir à la meilleure adéquation entre l’éducation, la formation et la qualification.
  • Il y a un autre sujet que l’on n’aborde pas du tout et vu qu’on arrive dans une approche de programmes électoraux, je suis assez sidéré du myopisme du politique dans ce domaine qu’il soit à droite ou à gauche : c’est la prise en compte de l’environnement ; pour ceux qui viennent de l’entreprise, la vitesse est devenue un enjeu stratégique et aujourd’hui nous vivons dans un environnement qui se caractérise en fait, non pas par la certitude, mais par l’incertitude et par ce que j’appellerais la transformation permanente. Quand j’interviens auprès de mes étudiants à l’ESCP ou à la fac, le premier exercice que je leur propose, c’est de prendre les principaux évènements intervenus dans l’année dans le champ technologique, dans le champ économique, dans le champ social et l’on s’aperçoit que sur les évènements majeurs qui ont eu lieu dans l’année, plus de la moitié n’étaient pas prévisibles en début d’année.
  • J’aimerais aussi qu’on puisse échanger sur la manière dont un système éducatif et un système de formation peuvent s’adapter à cette réalité, qu’elle nous plaise ou non, elle fait partie maintenant de notre vie, qui est l’adaptation à ces transformations permanentes.

Voilà les trois thèmes que je vous propose, si vous êtes d’accord.

Luc Ferry
J’ai posé tout à l’heure le diagnostic, en tout cas tel que je le vois et l’on peut aborder maintenant les solutions.

La grande tentation, et je n’entre pas du tout sur cette ligne-là, ce qui domine aujourd’hui le discours sur l’école, c’est la tentation du retour à la IIIe République : on est sûr d’être applaudi surtout à droite, mais même aussi un peu à gauche maintenant. À tout rompre : retour aux blouses grises, aux plumes Sergent Major, aux encriers en porcelaine remplis d’encre violette, ça marche à tous les coups ! Tout le monde est d’accord : de mon ami Alain Finkielkraut, à Régis Debray, Natacha Polony, Eric Zemmour !

À propos de l’ignorance totale de la réalité de la 3e République, qui était abominable, il faut bien le dire, jamais entre la création du bac et 1920 on n’a dépassé le nombre de 10 000 bacheliers par an : on en a 550 000 aujourd’hui (et 4 000 en 1900). La première jeune fille qui a passé cet examen, c’est en 1861 et c’était epsilonesque jusqu’en 1920. C’est seulement à partir de cette date, et encore très peu, que l’on commence à avoir un enseignement commun filles/garçons. On idéalise la IIIe République malgré le racisme colonial que l’on paie encore aujourd’hui, malgré la misère, la violence, la criminalité omniprésentes.

Je laisse ce retour à la IIIe République à mes camarades : cela marche très bien, j’aurais pu faire cela aussi, le tableau noir, etc. c’est épatant, mais concrètement ce n’est pas la solution.

Soyons sérieux trois secondes ! Une statistique imparable : 80 % des enfants qui n’apprennent pas à lire au cours préparatoire n’apprennent jamais à lire. Ce sont les mêmes que vous retrouvez à 18 ans aux « Journées d’appel de la Défense » (quel que soit le nom qu’on leur donne aujourd’hui).

C’est donc au CP qu’il faut faire quelque chose : en effet, lorsque les enfants ont raté cette marche de l’apprentissage de la lecture, on ne sait pas rattraper.

Voilà pourquoi j’avais dédoublé toutes les classes de CP difficiles (75 000 enfants) et si j’étais resté un an de plus, j’aurais réglé le problème. Toutes les classes de CP des écoles qui donnaient des résultats calamiteux en matière d’apprentissage de la lecture (de ce point de vue là les évaluations sont parfaites) auraient été divisées en deux, ce qui permettait à la maîtresse de confier l’essentiel de la classe, — ceux qui suivaient globalement —, à un assistant d’éducation (un emploi jeune pour parler simplement) et de prendre elle-même les quatre ou cinq en difficulté pour faire de la « remédiation » (selon le langage consacré) au moment où elle voyait le diagnostic d’échec s’installer. Elle pouvait ainsi réparer en même temps que l’échec se mettait en place. Mais si vous laissez un enfant de CP s’incruster dans l’échec, en plus tous ceux qui ont des enfants le savent, à six ou sept ans ils sont extrêmement conservateurs, conformistes, ils n’ont qu’une envie : être comme les autres, avoir les mêmes vêtements, le même plumier. Donc, quand ils s’aperçoivent qu’ils manquent quelque chose, c’est pour eux une énorme angoisse. Ils sont à cet âge-là encore très gentils, ils écoutent le maître comme si c’était Jésus-Christ ou Raymond Barre, on peut donc encore agir. Dédoubler les CP, c’était permettre à la maîtresse (à 95 % c’est une maîtresse !) avec un assistant d’éducation de faire de la remédiation en même temps qu’elle diagnostique la difficulté, cela donnait des résultats fantastiques ! J’avais un recteur (recteur et proviseur sont les deux métiers importants dans l’éducation nationale, ce sont eux qui savent vraiment ce qui se passe sur le terrain et en même temps au ministère — hélas pour eux ! –), le recteur Chaix à Strasbourg qui avait réellement accompli ce travail de dédoublement de CP et qui me disait : « on passe de 8/20 en début d’année à 18/20 à la fin de l’année » en évaluation de maîtrise de la langue, de l’orthographe, etc. !

On a là une première mesure très simple à prendre : compte tenu de la quantité d’emplois jeunes qui ne servent absolument à rien, ou qui sont même parfois nuisibles, qu’on les affecte à des classes de CP afin de s’assurer qu’on laisse pas rentrer en cours élémentaire 1 un enfant qui n’a pas appris à écrire et écrire. C’est le seul endroit où le redoublement a du sens. Après cela ne sert strictement à rien (en particulier en seconde), mais au niveau du CP c’est très utile.

Deuxième mesure : la formation.
En matière de formation professionnelle, il y a l’initiale et la permanente. Je ne reviens pas sur la permanente qui est un désastre : sur les 32 milliards, vous le savez mieux que moi, 5 milliards vont du mauvais côté. Il devrait y avoir 28 milliards pour les chômeurs et 4 pour ceux qui ont un emploi, mais les syndicats, les partenaires sociaux se sont arrangés ainsi, c’est une catastrophe.

Si l’on parle de la formation professionnelle initiale, on a maintenant, contrairement à ce qui était le cas dans mon enfance, on a un excellent enseignement professionnel : on a des lycées professionnels très beaux et performants. Par exemple on a des lycées « automobile » qui ressemblent à des garages modernes, avec tout l’équipement nécessaire ! On a des lycées très originaux : des lycées formidables pour la restauration, un lycée « taille de pierre » à Arras, un lycée « navigation fluviale » à Strasbourg, etc. On a de très bons lycées professionnels parce que les régions les ont très bien équipés alors que c’étaient des poubelles absolues dans mon enfance. On a également des chefs de travaux exceptionnels qui savent vraiment tenir ces enfants en difficulté.

Que faut-il faire pour les 160 000 jeunes qui sortent ? La « tarte à la crème » dans « la droite camembert » (il y a aussi « la gauche caviar »), c’est l’apprentissage à 14 ans ! Là aussi, applaudissements généralisés, mais non ! Les entreprises ne veulent pas de l’apprentissage à 14 ans, en tout cas la plupart d’entre elles n’en veulent pas, car cela suppose un contrat de droit privé, compliqué à mettre en œuvre et dangereux, car les enfants sont trop jeunes.

Ce que veulent les entreprises, ce qui est intelligent à faire et pardon c’est ce que j’avais fait lorsque j’étais ministre, mais qui a été supprimé une semaine après mon départ : ce sont les classes en alternance dès la classe de cinquième.

Vous gardez le collège unique ! Autre « tarte à la crème » absurde : la droite qui veut casser le collège unique ! C’est une idée de droite, c’est René Haby qui l’a mis en place en 1975. D’ailleurs c’est le premier à employer l’expression « système scolaire ».

Le collège unique c’est très bien, mais il faut, au sein du collège unique (d’enseignement général), organiser trois après-midis par semaine, une alternance entre collège et entreprise, collège et CFA, collège et lycée professionnel. Vous faites ainsi découvrir aux gamins deux ou trois métiers dans l’année. En effet, quand vous avez un adolescent de 15 ans, plus grand que le prof de lettres et qu’il est en échec scolaire (et qui l’est depuis des années !), c’est comme une cocotte-minute qui va exploser. Quand il se retrouve debout à faire quelque chose de ses mains, et qu’il réussit quelque chose, quoi que ce soit, on le sort de la misère humaine !

Si on le place dans une classe en alternance à l’intérieur du collège unique, afin d’adapter le programme en gardant les matières essentielles du programme (le français, l’anglais, les maths) et en l’envoyant trois après-midis par semaine, dans une entreprise avec laquelle on passe un contrat par exemple (j’ai personnellement reçu toutes les fédérations d’entreprises et j’ai passé des contrats avec elles pour qu’elles prennent des classes en alternance), cela marchait formidablement. On sauve ces gamins qui ne sont plus en échec scolaire et qui réussissent en créant quelque chose de leurs mains.

Il faut garder le collège unique, car si l’on veut qu’un élève de 14 ans passe ne serait-ce qu’un bac pro, il est nécessaire de garder un enseignement général. On ne va pas fabriquer des petits ouvriers à 12 ans comme on le faisait dans mon enfance avec les « cours complémentaires ».

Donc pas d’apprentissage à 14 ans, mais des classes en alternance. Lorsque j’étais ministre, il y avait ainsi 35 000 enfants en alternance. Voilà les seules mesures importantes que j’avais prises, à savoir le dédoublement de CP pour 75 000 enfants et les classes en alternance pour 35 000 enfants. Si j’étais resté un an de plus, j’avais les 160 000 qui étaient en difficulté !

Ces deux mesures ont été supprimées une semaine après mon départ, et par mon ami François Fillon, pas du tout par mauvaise volonté, mais parce qu’il ne savait pas, parce que ce n’était pas son ministère et qu’il n’y connaissait rien. Son but n’était pas d’éradiquer une de mes actions, mais tout a disparu au bout d’une semaine.

On ne peut pas travailler de cette façon ! En plus, cela ne coûtait rien puisque je sélectionnais des assistants d’éducation. Il ne savait pas, tout simplement et la vérité, c’est que l’administration a repris son train-train…. Un millier de problèmes se posent chaque jour, sans compter le proviseur qui se fait assassiner, les histoires de violence, les établissements qui brûlent… C’est donc juste par ignorance, j’ai beaucoup de sympathie pour Fillon — je serais d’ailleurs ravi qu’il soit élu à droite, mais il ne le sera pas —, (rires) ce n’est pas par animosité que je tiens ces propos, mais je le dis très franchement…

Vous dites que la preuve de l’échec à gauche, c’est parce qu’il y a eu trois ministres, mais il y en a eu sept à droite ! Depuis que j’ai quitté le ministère, nous avons été dix ; je suis sans doute celui qui est resté le plus longtemps.

Une dernière anecdote : j’arrive au mois de mai, le 8, jour de la victoire ( ! ! !) en 2002 ; réfléchissez bien à cela, car c’est la clé du problème de la réformabilité de ce système éducatif (et c’est la même chose pour tous mes collègues), la rentrée de septembre 2002 est bouclée depuis décembre 2001 ! On a 12 millions et demi d’élèves, on a 840 000 profs, on a 70 milliards d’euros de budget, vous pensez bien que tout est implanté.

Donc, quand j’arrive en mai, pendant un an et demi, je peux avoir des projets, mais je ne peux rien faire ! Si vous ne restez pas au moins quatre ans, vous ne pouvez rien implanter de sérieux. Et le problème c’est que pour rester quatre ans, il faut ne rien faire du tout, c’est le plus commode !

Je ne veux pas être désagréable, mais c’est vrai, lorsque Chirac (et avant lui Villepin) m’a appelé gentiment pour me donner le ministère, je me suis dit : « c’est comme un magnifique cheval, on va pouvoir tirer, il est lourd c’est vrai, c’est un cheval de trait, le chariot est encore plus lourd que le cheval, mais on va y arriver ! » Je savais ce que je voulais faire, mais je n’avais pas compris le jeu : c’était en fait un rodéo. Le but de l’opération ce n’est pas d’aller quelque part, mais de rester sur la bête et moins vous la contrariez, moins longtemps vous restez ! C’est la triste vérité, ce qui fait qu’on a eu dix ministres en dix ans : c’est absurde. Moi je suis resté deux ans, mais ce n’est pas suffisant, il faut au moins trois ans et de préférence quatre, sinon vous ne pouvez rien faire de sérieux.

Je le regrette vraiment, car je vous garantis que c’est vrai, je ne suis pas totalement délirant, si j’étais resté un an de plus, je vous assure que le problème de l’échec scolaire et de l’illettrisme aurait été réglé en France parce que c’est exactement ce qu’il fallait faire et rien d’autre. Avec ces deux sujets-là, pas besoin d’en inventer cinquante autres, pas besoin de lois, pas besoin de mettre tout le monde dans la rue. C’est mon seul regret, sinon je me suis beaucoup amusé !

Patrick Hetzel
Je suis très en phase avec ce qu’a pu dire Luc Ferry quant à la difficulté à réformer l’éducation nationale, d’autant plus qu’au sein du ministère même perdure une culture interne, très largement développée par l’inspection générale et consistant à dire : « les ministres passent, nous restons ».

Luc Ferry
Ce qui est vrai…

Patrick Hetzel
Il y a donc une sorte d’inertie du système selon laquelle dès que le ministre est parti, on va demander au prochain de déconstruire ce qui a été fait. Parallèlement, entre le moment où l’on prend une décision et le moment à partir duquel on peut mesurer les effets, c’est généralement trois ou quatre ans et le ministre n’est déjà plus en place. C’est donc bien une difficulté.

 

Je pense qu’il ne faut surtout pas passer par la loi (chaque ministre a essayé de légiférer), il faut procéder différemment.

Par contre je suis totalement en phase avec l’idée de dire « c’est du côté du primaire et du CP, voire du côté des maternelles, que les choses se passent ». Pendant très longtemps j’ai été hostile à l’idée d’avancer la scolarité obligatoire à cinq ans ; pour moi en effet ce devait être aux familles de s’occuper de l’éducation et ensuite l’instruction suivrait. Je me rends compte qu’on peut avoir intérêt à passer à une scolarité obligatoire dès l’âge de cinq ans de telle sorte que la grande section de maternelle soit pédagogiquement et pleinement incluse dans l’acquisition des connaissances de base : c’est ma première idée.

L’autre idée, et là on va de l’autre côté du spectre, on a en France (et cela ne bougera pas du jour au lendemain) beaucoup de mal à envisager une formation tout au long de la vie. Comme on le voit dans l’enseignement supérieur, il y a cette idée que tout se joue avec la formation initiale. D’ailleurs je m’exprime devant une administratrice générale du CNAM (le Conservatoire national des arts et métiers), c’est une institution remarquable. Elle a de ce point de vue là un rôle essentiel à jouer, y compris dans l’ensemble du système de l’enseignement supérieur pour faire passer l’idée que tout ne se joue pas en formation initiale.

Il faut pouvoir faire comprendre aux gens qu’ils ont la possibilité de reprendre des études. Les formations du CNAM se faisaient en cours du soir, mais cela a évolué. Il faut qu’on insiste aussi sur ce volet-là parce qu’on ne l’a pas suffisamment fait et la partie financement de la formation professionnelle quand on se rend compte que l’essentiel du financement va à celles et ceux qui sont dans l’emploi, et non pas celles et ceux qui sont en dehors de l’emploi, vous avez tout compris !

Pardon, c’est peut-être mon tropisme germanique (député alsacien à 25 kilomètres de l’Allemagne), mais je vois certaines choses qui se passent différemment ; En Allemagne par exemple, la question de la formation professionnelle est directement traitée par les entreprises et il y a sans doute quelque chose à imaginer. Pour ma part, je suis favorable à ce qu’on transfère l’intégralité de la formation professionnelle des lycées professionnels aux régions. Pourquoi je plaide en faveur de cela ? Tout simplement parce que, aujourd’hui, au sein de notre système d’éducation nationale, les enseignants qui sont dans les lycées professionnels, ce ne sont pas ceux qui sont les mieux considérés parmi les autres enseignants. Il y a donc ce problème de considération, mais également le problème de gestion de ces personnels.

À mon avis, il faut être en plus grande proximité : l’échelon de proximité pour gérer ce type de personnel, c’est pour moi l’échelon régional d’autant que, comme l’a rappelé Luc Ferry, les régions ont déjà le financement des lycées professionnels et elles ont généralement mis en place des infrastructures beaucoup plus pertinentes.

Il y a donc là un certain nombre de choses qui peuvent être réalisées : cela ne sera sans doute pas facile parce que c’est un peu le prolongement du côté des TOS, il faudra sans doute aussi remédier au morcellement actuel du lycée, mais cela ne se fait pas facilement. On voit bien que le lycée aujourd’hui n’a pas encore intégré l’idée qu’il a un rôle à jouer dans l’insertion professionnelle. C’est le cas lorsqu’on est du côté du lycée professionnel, cela l’est en partie dans la filière technologique, cela ne l’est pas du tout du lycée d’enseignement général. Il y a là un travail à faire : on a commencé à préconiser dès la classe de première de se préoccuper du projet professionnel, mais il faut encore avancer. Quant à l’idée du collège, effectivement, c’était celle de la fameuse « DP » (découverte professionnelle) pour les jeunes de 14 à 16 ans qui ont de l’appétence pour le monde professionnel. L’idée était de les laisser dans les collèges tout en leur permettant un contact beaucoup plus important et permanent avec le monde professionnel.

 

Luc Ferry

Juste un petit mot là-dessus : quand vous êtes là-haut, au ministère de l’Éducation nationale, il faut prendre trois projets, mais pas plus !

Je suis entièrement d’accord avec l’idée de régionaliser les lycées professionnels : le problème, c’est qu’il faut transférer les professeurs à la territoriale, donc imaginer d’autres concours que les concours nationaux, je vous garantis que vous allez « vous prendre les pieds dans le tapis » exactement comme Peillon avec les rythmes scolaires. Vous risquez une révolte considérable.

Choisissez : si vous souhaitez vraiment faire cela, allez-y, mais dites-vous bien que cela va « plomber » votre ministère à 100 %.

Peillon au départ avait raison : la semaine de quatre jours mise en place par Darcos était une absurdité totale. C’était bon pour les bourgeois du sixième arrondissement, mais pour l’immense majorité des petits Français, c’était une catastrophe.

Peillon avait raison de revenir à une semaine de quatre jours et demi, mais techniquement c’est horriblement difficile à réaliser, d’autant qu’il y avait eu des réformes entre temps qui avaient bouleversé le système.

Il faut donc bien faire attention : si j’y retournais (ce qui ne se passera pas), je choisirais uniquement les deux points que je vous ai mentionnés, d’une part l’enseignement professionnel, et les classes en alternance et, d’autre part l’apprentissage de la lecture. Je ne toucherais pas au reste. Il y a une question de réformabilité. 

 

Questions de la salle

Jean-Jacques Etienne
Tout d’abord je suis d’accord à 90 % avec ce qu’a dit Luc Ferry : nous nous étions rencontrés et nous avions parlé ensemble, avec Raymond Barre de ce qu’il faut apprendre à l’école. Vous avez bien évolué et je suis très heureux de vous voir ainsi aujourd’hui.

Pourquoi je dis cela ?

Tout simplement parce que je suis un compagnon du devoir et surtout un responsable de prévôté. On a 900 ans d’expérience en formation continue, on a formé des jeunes depuis le treizième siècle et on a bâti cette société, sur les fauteuils de laquelle vous êtes assis, entourés de murs qui nous ressemblent un peu.

Cette civilisation, nous l’avons bâtie et nous avons aussi traversé les mers pour aller voir ce qui se passait de l’autre côté.

Je viendrai vous dire tout simplement que la charpente, ce n’est pas seulement en haut, mais c’est aussi les coffrages pour les fondations, et c’est surtout sur les coffrages qu’on fabrique des voûtes sur lesquelles on peut ensuite monter d’autres éléments et ensuite faire la charpente. Cette dernière est la base de l’ensemble de la structure d’un bâtiment.

C’est un aparté, mais c’est important de remettre les choses en place.

En ce qui concerne la formation des métiers, j’ai eu la chance de rencontrer Raymond Barre à plusieurs reprises et je crois l’avoir amusé surtout, dans un premier temps du moins.. Je devais être un peu étonnant dans le discours ou parmi les gens qu’il avait l’habitude de rencontrer.

Mais il déclarait : « vous êtes peut-être plus structuré que ce que j’ai l’habitude de dire  » et c’est lui qui un jour m’a donné cette phrase : « À force de tout simplifier, tout vulgariser, on finit par ne plus rien comprendre ! ». J’adore cette phrase et je la ressors régulièrement.

Luc, vous avez raison : il faut, dès la cinquième, mettre une alternance avec l’entreprise, mais il faut que l’école reste ancrée aux côtés de l’enfant dans l’entreprise, car il a besoin de cette période pour être à cheval entre les deux.

Ensuite, il ne suffit pas de faire de très beaux collèges ou des très beaux lycées privés. Il faut avoir le niveau à l’intérieur ; or le niveau n’est pas là !

Aujourd’hui je suis architecte, chef d’entreprise et quand j’ai commencé à l’âge de treize ans et demi en pré-apprentissage, ce qu’on ne veut pas aujourd’hui, mais moi cela m’a beaucoup aidé et j’ai énormément appris. Le CNAM, j’y suis allé et c’est ainsi, à 36 ans que j’ai terminé mes études.

Donc ce parcours existe aussi. Il n’y a pas UN parcours correct, il en existe des centaines.

Ce qu’il faut, c’est donner une chance, mais surtout orienter le plus tôt possible les enfants parce que la transmission est possible s’il y a une orientation. Le mot important c’est « orientation », et non envoyer des enfants en difficulté, envoyer des enfants qui ont envie de découvrir l’univers professionnel : il faut donc laisser une place importante aux métiers dans l’école, dès le départ, et dès la maternelle. Pas seulement l’apprentissage de la langue, mais aussi l’apprentissage du dessin, les trois épaisseurs de la 3D, etc. Tout cela, il faut le transmettre.
Encore un tout petit peu d’efforts et je suis sûr que l’on n’aura plus de problèmes !

Jean-François Pilliard
Merci. Je vais revenir à l’orientation que vous venez le premier d’aborder. En ce qui me concerne, je suis étonné qu’on n’ait jamais voulu, ou pu, réformer profondément un système d’orientation qui, de par ses origines, conduit nécessairement à l’échec.

Comment peut-on confier un rôle d’information et d’orientation des familles et des enfants à des personnes dont la caractéristique première est de n’avoir jamais vu ni de près ni de loin ce qu’est le monde du travail ?

J’ai présidé l’AFPA (Association de formation professionnelle des adultes) pendant 8 ans, j’ai survécu à six ministres différents et c’est exactement le problème. J’avais formulé le projet qu’on ne pouvait former qu’après avoir passé 10 ans en entreprise. Je me suis heurté au même problème : les psychologues qui ont changé de secteur et travaillent maintenant à Pôle Emploi (rires) sont totalement déconnectés du monde du travail.

Bertrand Collomb
Il faut bien trouver des jobs aux psychologues !

Avant d’être chef d’entreprise, j’ai été au Cabinet de René Haby, dont on rappelait tout à l’heure qu’il a créé le collège unique. Son but était dans un cadre unique de faire des formations différenciées selon les capacités des élèves et selon les directions dans lesquelles on voulait les orienter.

J’ai donc pu assister à la façon dont la mécanique éducation, — avec pourtant un ministre qui la connaissait bien puisqu’il en avait franchi lui-même tous les échelons —, a réussi à faire faire à sa réforme exactement le contraire de ce qu’il voulait. C’était il y a quarante ans, mais j’en ai tiré la conclusion que ce ministère est inréformable et que la seule solution, c’est la décentralisation de l’éducation à tous les niveaux : non pas une décentralisation à l’américaine, où chaque collectivité gère l’éducation strictement avec ses moyens propres locaux, ce qui crée des inégalités tout à fait inacceptables, mais plutôt probablement une décentralisation à l’allemande, — n’oublions pas que le système est majoritairement décentralisé ! –, et en vous écoutant tout à l’heure je me suis dit que ma conclusion d’il y a quarante ans n’a pas changé. Si un ministre de l’Éducation est obligé pour être réaliste, de se contenter des deux mesures que Luc Ferry suggérait, et qui pourraient certainement être très efficaces dans la lutte contre l’échec scolaire, mais si c’est tout le programme qu’un ministre peut faire lors d’un mandat présidentiel, je pense qu’il faut arrêter que ce soit l’État qui décide. Il faut que ce soit décentralisé. Que pensez-vous de cela ? Je sais bien que cela serait une révolution et, suivant la façon dont on le fait, on peut mettre encore plus de monde dans la rue. Mais d’un autre côté, faut-il avoir des petites ambitions ou des grandes ambitions ?

Luc Ferry
J’entends ce que vous dites, je connais ce discours, j’y suis totalement opposé. Je pense que, au contraire, c’est une très grande chance pour la France que nous ayons un État centralisé ; cela n’empêche pas de déconcentrer, cela n’a rien à voir ! On peut déconcentrer et on l’ignore en général : par exemple la gestion des professeurs est complètement déconcentrée. Mais décentraliser me paraîtrait une catastrophe : d’ailleurs, j’ai fait mes études en Allemagne qui est décentralisée complètement : le système allemand est encore plus mauvais que le système français et il a des résultats inférieurs. Souvenez-vous de Schroeder regrettant beaucoup la centralisation qui aurait permis de redresser un système d’un coup.

Quant à l’idée de réduire (voire de réduire à zéro) l’échec scolaire et l’illettrisme, ce serait à mes yeux le projet le plus grandiose qui soit ! Il n’y en a pas d’autres pour moi. Les questions de gestion m’intéressaient moyennement : je les déléguais à mon directeur de Cabinet.

Déconcentration : très bien, autonomie des établissements : très bien, décentralisation : non, parce que je tiens à ce qu’on ait au moins 80 % de programmes nationaux et que l’on puisse, lorsque quelque chose va très mal, avoir un levier national qui permette de corriger le tir (par exemple pour la croissance de l’illettrisme). Si vous avez 14 Lander, vous ne pouvez rien faire ! Il n’y a pas de ministre de l’éducation en Allemagne ; ceux qui n’en veulent pas disent que c’est formidable, mais il n’y a plus alors de levier d’action.

Ce que René Haby a fait (la création du collège unique, que je considère comme une très grande mesure), ce que Chevènement a fait (avec la création des bacs pro), c’eût été totalement impossible dans un système décentralisé parce qu’une région pouvait le faire et les autres non et là vus tombez dans un système à l’américaine.

Là où je rejoindrais mon collègue, la grande catastrophe en matière d’éducation, c’est la création des COPSY, c’est une horreur ! Parmi les conseillers d’orientation, on compte 4 600 psychologues ; il semble qu’on ait fait cela pour réduire le chômage dans les départements de psychologie des universités. Ils sont là uniquement pour dévaster les rêves des enfants ! Ils n’ont jamais vu une entreprise de leur vie, certains parmi eux finissent par se former et ce que je dis est forcément injuste pour 10 % d’entre eux, mais pour 90 % c’est une catastrophe. D’où le projet — qui aurait abouti là encore si j’étais resté un an de plus — que j’avais imaginé avec mon ami Alain Rousset, un homme de la décentralisation, un Rocardien intelligent, un homme de gauche comme Collomb, c’est-à-dire plus à droite que moi, avec lequel on pouvait travailler ; nous avions commencé à créer ces « maisons de l’orientation » dans lesquelles on essayait de noyer les psychologues pour qu’on ne les voit pas trop et dans lesquelles on mettait des gens qui connaissaient le monde de l’entreprise. C’est cela qu’il faut pour des gamins qui cherchent leur voie, il faut qu’ils aient en face d’eux des gens qui connaissent l’entreprise : s’ils sont psychologues en plus, tant mieux, mais c’est très rare. La plupart du temps on avait des gens qui détestaient l’entreprise par tradition professionnelle. Ils venaient de départements de psycho ou de socio où, majoritairement on était aux antipodes du monde de l’entreprise. Si l’on avait réussi (si j’étais resté un an de plus !) on avait des belles maisons d’orientation en région, je décentralisais les COPSY en même temps que les TOS, on mettait des vrais professionnels dans ces maisons de l’orientation, les FCIL, les maisons locales avec et on avait un instrument vraiment performant. C’est bien dommage ! Je regrette vraiment d’être parti un an trop tôt. Je me suis bien amusé, mais ce n’est pas le but ! Un an de plus et on y arrivait : cela aurait été mon troisième projet.

Jean-François Pilliard
Si l’on revient à la question de Bertrand Collomb : pour moi qui ai l’expérience de l’entreprise et moins de l’éducation, je pense que dans le domaine de la formation continue et de la formation initiale, vous évoquiez le cas de l’apprentissage en Allemagne. Aujourd’hui, la majorité des chefs d’entreprise que je fréquente depuis quarante ans seraient prêts à abandonner toutes les subventions et les allègements qu’on leur accorde dans le domaine de l’apprentissage, en contrepartie d’une très forte autonomie et une liberté en s’appuyant sur les régions. C’est absolument aberrant vu la diversité des métiers, vu la diversité des situations de l’emploi d’une région à l’autre, de vouloir piloter cela de façon réglementaire à travers des textes dont je défie n’importe lequel de vous dans la salle de m’expliquer comment fonctionne aujourd’hui l’apprentissage en France. Mettez-vous à la place des chefs d’entreprise ! Je rappelle que la France c’est une majorité de petites et moyennes entreprises, non des grandes entreprises avec des équipements ! La question qui évoque la nécessité de se rapprocher du terrain me paraît très pertinente.

Patrick Hetzel
La question de la décentralisation implique surtout de savoir quel objectif on vise en cherchant à décentraliser.

Pour ma part, je rejoins Luc Ferry dans l’idée que la décentralisation aujourd’hui suscite de vives réactions : une grève massive qui obligera le ministre à reculer. Le diagnostic que je formule, plutôt en termes de gestion est le suivant : nous avons un problème d’évaluation des enseignants et nous n’avons pas aujourd’hui au sein de l’éducation nationale une véritable gestion des ressources humaines. Il y a un vrai travail à faire de ce côté-là et j’aurais tendance à dire : agissons à ce niveau et faisons en sorte qu’à l’échelle des rectorats on ait une vraie gestion des ressources humaines avec, là aussi, du véritable avancement au mérite, pas celui de l’évaluation de l’activité syndicale et je pense que si nous arrivons à faire bouger les lignes de ce côté-là, nous aurons fait un grand pas !

Jean-François Pilliard
J’ai souvent entendu Barre, mais je ne dois pas être le seul, préconiser pour deux ministères la nomination de ministres pour cinq ans avec des pouvoirs de pro-consuls : c’étaient le ministère de la santé que j’ai eu l’honneur de connaître, et le ministère de l’Éducation nationale.

Luc Ferry
Vous avez raison !

Jean-François Pilliard
Ma question découle un peu de cette remarque : qui dirige le ministère de l’Éducation nationale ? On n’a pas parlé des syndicats… ou est-ce le ministre ?

Luc Ferry
Non, les syndicats n’ont aucun pouvoir, c’est une légende ! Ils ont un pouvoir quand vous êtes de gauche, là cela devient très gênant (cf. mon ami Claude Allègre qui déchirait les cartes du PS si bien que Jospin a dû s’en séparer !), mais quand vous êtes de droite, c’est une bénédiction ! Médiatiquement le fait que les syndicats protestent, paradoxalement cela donne au ministre de droite un look réformateur qui vous aide. N’oubliez pas que les syndicats dans l’éducation nationale, c’est 7,5 %, ils n’ont aucun pouvoir. La vérité c’est que le Surmoi de gauche, pour le dire brutalement, est répandu dans toute la corporation, mais les syndicats sont extrêmement suivis, ils font comme les médias : les médias ne font pas l’opinion, ils la suivent ! Ils sont très embêtés quand ils lancent une grève et que celle-ci n’est pas suivie.

Lorsque vous recevez les chiffres et que vous constatez que la grève est suivie à 15 %, c’est très embêtant.

J’ai eu moi-même à prendre une décision — et c’est dommage, on ne m’en rend pas suffisamment justice ! –, de mettre fin au paiement des jours de grève puisque le ministère, depuis toujours, payait les jours de grève. Incroyable ! Je me suis donc retrouvé dans la salle Condorcet avec tous les syndicats, j’avais une centaine de personnes en face avec le patron du SNES de l’époque (tout puissant) et puis tous les autres, y compris la CGT, l’UNSA, le SGEN…

1re question : « Monsieur le ministre, est-ce que vous acceptez une négociation sur la rétribution des jours de grève ? »

Si j’acceptais la négociation, cela signifiait que je devais aller jusqu’au bout !

Mon conseiller à droite me glisse : « si tu n’acceptes pas cette négociation, tu es mort ! »

À gauche, mon directeur de cabinet, qui est plus raisonnable, me dit  : « si tu acceptes la négociation, tu es fichu parce qu’elle aboutira et tu seras obligé de payer des jours de grève ! »

Je prends donc courageusement la décision de ne pas payer les jours de grève.

Aussitôt tous les types quittent la salle et se retrouvent devant la Presse qui occupait la cour. Toutes les régies étaient présentes… évidemment « Luc Ferry est un clown, c’est quelqu’un de la société civile, il ne sait pas gérer ces questions, il ne sait pas négocier avec les syndicats, etc.  »

Cela dit, je l’ai fait et plus aucune grève n’a dépassé 25 % dans l’éducation nationale. Vous pouvez prendre tous les chiffres depuis 2004 on n’a jamais dépassé 25 % alors que pour la réforme des retraites on était monté à 65 % ! Donc les syndicats n’imaginaient pas être aussi puissants que cela : ils sont très puissants quand le ministre est de gauche, mais beaucoup moins quand le ministre est de droite. Paradoxalement c’est plutôt amusant d’avoir des syndicats qui « râlent », car c’est la preuve que l’on fait quelque chose ! Il faut s’en méfier, ils sont suivis. Toutefois le taux de 7,5 % parle bien, il est loin de celui du Danemark (78 %). Ne sous-estimez pas la faiblesse des syndicats, mais on n’est pas obligé de cogérer comme d’autres l’ont fait ; on peut très bien s’opposer à eux, ce qui est gênant en revanche, c’est quand on a un projet de décentralisation.

Je comprends bien ce que vous dites, je ne suis pas du tout fermé à cette idée, mais si vous rentrez là-dedans et qu’en plus, vous ajoutez la rétribution au mérite, vous êtes mort ! Il faut choisir : si vous voulez mourir courageusement pour ces deux projets-là, allez-y, mais sachez que vous n’en ferez pas d’autres !

Jean-François Pilliard
Il va falloir conclure, mais ce dernier débat pourrait faire l’objet d’un colloque, car on touche à la capacité de réformer. Je voudrais quand même partager avec vous une réflexion avant de remercier les participants : comment peut-on expliquer que dans un pays comme le nôtre, dans les entreprises du secteur privé, sur les vingt dernières années, il y a eu des transformations absolument inimaginables dans tous les domaines : technologique, organisationnel, sociologique, économique, qui ont parfois suscité des difficultés, mais ces transformations ont eu lieu ! Comment se fait-il, compte tenu qu’on est dans la Fonction publique, que chaque fois qu’on parle de ces sujets, quels que soient les interlocuteurs, la réponse est à peu près la suivante : «  la réforme est impossible » ?

Je me hasarde à une tentative d’explication : je me souviens de la réforme des retraites avec Alain Juppé qui probablement en 1995 était le premier à avoir aussi bien identifié le diagnostic, et identifié également les bonnes solutions. Je passe à mes étudiants la façon dont Alain Juppé, à l’époque, explique la réforme des retraites aux citoyens : regardez et vous comprenez pourquoi cela s’est mal passé. Je veux dire par là que la réforme, et c’est une référence à Raymond Barre, la réforme me semble-t-il, commence par de la raison, de la rationalité, mais son succès passe par la pédagogie, c’est-à-dire avoir un projet, donner du sens, et je pense qu’il y a une grande différence : si on veut terminer par un message d’espoir, on a la capacité à réformer dès lors que l’on a un projet et dès lors qu’on l’accompagne d’une pédagogie.

 

Jean-Claude Casanova
Au nom de toute l’équipe de Raymond Barre, je voulais vous remercier aussi, et je m’adresse également aux trois tables rondes qui ont précédé.

Nous avions comme intention de nous interroger et de vous interroger sur l’actualité d’un certain nombre de positions fortes de Raymond Barre. Je crois que les réponses ont été assez éloquentes tout au long de la journée et nous donnent probablement l’envie de poursuivre ces réflexions.

Merci à toutes et à tous !